Laurent Petit, Gastronomie connectée au terroir
24 novembre 2020 Non Par Paul RassatLe modernisme de la tradition
Nous vivons une période extra-ordinaire. Au-delà des drames qui s’y déroulent, elle nous force à réfléchir à bien des choses qui semblaient aller de soi. « Réfléchir », retrouver cette flexibilité du regard, de la pensée qui permet d’envisager autrement. Il faut inventer des solutions, s’adapter, créer des liens nouveaux. A défaut des rémunérations, la hiérarchie des métiers s’en trouve bouleversée.
Nous avions oublié que notre façon de nous alimenter est liée à notre relation à la nature. Celle-ci revient au centre de notre pensée, de nos préoccupations, de notre modèle de société. Son avis compte d’autant plus en la matière que, depuis cinq déjà, Laurent Petit bâtit sa cuisine en pleine harmonie avec le terroir dans lequel il s’est enraciné. Entre lac et montagnes parlent la vérité des produits, les circuits courts, la confiance partagée avec les producteurs.
Comment s’adapter au confinement ? L’avis de Laurent Petit
On vit une période un peu paradoxale. Grâce à la vente à emporter les restaurants s’ouvrent à cause du confinement. Il faut se réinventer. Le monde sans travail devient un monde sans dimension sociale, c’est le premier constat. Une catastrophe pour qui la première motivation est le lien social avec ses collaborateurs, avec ses producteurs, avec ses clients.
Cette première semaine de confinement a été d’une violence extrême. Se retrouver à la maison à se morfondre, à imaginer toutes sortes de plans, à espérer le bout du tunnel ! La période est vraiment anxiogène. Quand d’un seul coup se renoue le dialogue avec les producteurs, avec les équipes et avec la clientèle, c’est magique. C’est ça la vie ! Ça et rien d’autre.
2ème confinement : saturation ?
La première phase de confinement a pu apparaître comme une parenthèse qui a permis à certains de souffler. Celle-ci est différente.
Il y avait un côté printanier lors du premier confinement. La météo était très favorable. Avec son épouse, Laurent Petit l’a très bien vécu, comme une pause. À 57 ans, le chef travaille depuis l’âge de 18 ans sans vraiment arrêter.15 jours de vacances par-ci ou par-là deux fois par an, ce n’est pas grand-chose. Ça ne suffit pas. Ces trois mois d’arrêt ont été presque magiques. Il ont permis d’organiser un potager à la maison, mais après, il a fallu faire l’addition : ça a coûté cher malgré l’aide et l’accompagnement.
Remettre ça, ce n’est pas rigolo !
L’intérêt de véritables connexions
La restauration et l’hôtellerie ne sont pas les seuls secteurs touchés. Tout est mis à plat. On pense aux libraires. Ils sont las de la France, du pays. Ils apportent un véritable lien social. Laissons-les continuer à travailler en trouvant des solutions pratiques.
Cette époque très grise montre les vrais enjeux dont la culture et l’art de se nourrir font partie. Il est indispensable d’être relié à un terroir, à un territoire. C’est ce qu’on a bien senti avec le premier confinement, notamment avec le marché de producteurs organisé au Clos des Sens en mai. Tout le monde semblait sur un nuage. Les gens se promenaient dans le jardin, discutaient avec le jardinier, avec les producteurs.
Laurent Petit n’avait jamais vu un étal de dix mètres exposant des poissons d’eau douce comme ça, sous les marronniers. La connexion était vraiment là ! Par la suite beaucoup de clients lui ont parlé de cette période, du marché. La clientèle suit de plus en plus cette reconnexion à la terre, ce tournant pris dès 2015 au Clos des Sens. La vraie vie est là. De plus en plus de gens quittent les grandes villes pour les provinces. Il y a de plus en plus de potagers.
Il faut espérer que tout le monde pourra retenir le plus positif de cette période contrainte quand elle sera terminée, définitivement.
Privilégier l’humain pour demeurer optimiste
Il risque d’y avoir des rebonds, des secousses. La majorité commence à envisager une année 2021 en pointillés. On sait aussi l’importance des fêtes comme noël en termes de lien social. Depuis des années Laurent Petit ne travaille pas pendant cette période. Pour lui, il serait raisonnable de raccourcir cette semaine de fêtes à un court entracte de 48 heures pour tous repartir ensuite au travail et privilégier le travail social qui inclut l’amitié, l’amour, le sentiment, les connexions entre les êtres.
Rendez-vous est pris avec Laurent Petit lorsque les conditions seront apaisées et la place de nouveau libre pour la véritable créativité. En attendant, la vente à emporter assure le relais.