Mickaël Marin, parle cinéma d’animation , Festival, projets

Mickaël Marin, parle cinéma d’animation , Festival, projets

19 juillet 2021 Non Par Paul Rassat

Après le Festival…toujours le Festival

Mickaël Marin, vous êtes directeur de CITIA, comment se vit un après-festival du cinéma d’animation?

C’est encore très dense. Ça ne s’arrête pas du jour au lendemain. On est moins dans l’urgence mais il faut revenir à ce qui n’avait pas pu être fait avant, comme des rendez vous décalés parce moins prioritaires. Quelques semaines après le festival, l’agenda est encore très chargé. La différence est que ce « tic tac » qui rythme le festival et son approche est moins prégnant. Les vacances sont pour plus tard. Il faut faire un débrief, une analyse très rapide des chiffres, de l’édition et se projeter directement. On se projette même dans l’édition à venir pendant l’édition en cours ! C’est un mouvement permanent qui se nourrit presque de lui-même.

S’adapter

Que retenir de la dernière édition ?

Elle a été très difficile à mettre en place. La course, l’incertitude et le saut dans l’inconnu ont commencé en mars 2020. Il y a eu une édition en ligne pendant confinement. Juillet 2020 a permis de faire le point et la course a repris dès septembre. Une course d’obstacles avec reconfinement, questionnements divers. Se décider pour une formule hybride ? Il fallait donc innover. La crise du COVID avait des répercussions sur nos prévisions, sur notre travail. Alors que l’échéance du festival approchait, beaucoup de choses ne pouvaient être tranchées.

Dans cette situation, le doute fragilise ou renforce la volonté d’y arriver et de souder les équipes ?

Il a été plus difficile d’embarquer tout le monde cette année. Les attitudes des uns et des autres étaient très différentes : ceux qui y croyaient fortement, ceux qui pensaient qu’il fallait refaire une édition en ligne. Mon boulot a été de ne jamais flancher. Il fallait tenir. Tant que l’arbitre n’a pas sifflé la fin du match, on joue. Comme en football pendant le dernier Euro. Les choses se sont parfois décidées avec le dernier tireur de pénalty ! Finalement nous sommes passés dans la bonne fenêtre de tir, comme Cannes. Nous avons eu de la chance mais nous avons su la provoquer. Il fallait être prêt.

Changements, évolution ?

Cette édition célébrait le 60° anniversaire. Elle est hybride après une formule en ligne. L’Histoire et l’innovation se mêlent. Est-ce qu’une page est tournée ? On entre dans une nouvelle phase ?

C’est davantage une évolution dans la continuité que des ruptures. Il est un peu trop tôt pour dire ce que ça peut préfigurer. De l’édition en ligne certaines choses vont perdurer. La taille du présentiel va déterminer celle du en ligne. Ce sera un équilibre à trouver.  Les gens qui vivront le Festival à Annecy ne vont pas trouver le temps d’échanger avec ceux qui ne sont pas venus. À nous de déterminer ce qui sera pertinent.

J’ai la faiblesse de croire que ces deux éditions qui ont montré notre volonté de jouer notre rôle, d’innover ont envoyé un signal fort. Nous avons ainsi tissé des liens renforcés avec les professionnels du cinéma d’animation et au-delà. Le projet du Haras sera concrétisé en 2024/25.

Le projet du Haras

Vous êtes déjà dans cette organisation ?

Pas encore. Je suis cependant sollicité pour le travail que mène la mairie avec l’architecte et les différents corps de métier. Notre rôle est de contribuer à l’amélioration du projet afin que sa réalisation soit la plus efficace possible dès l’ouverture. Et puis il faudra s’occuper de la programmation, du budget, de l’équipe.

Que va apporter l’installation de CITIA au haras ?

Ça va tout changer ! Le Haras va être de manière plus forte encore ce qu’ont été les Papèteries pour l’économie. Ce sera un lieu totem visible localement, régionalement, nationalement et au-delà. Nous aurons un outil de tous les jours pour faire de la médiation, de l’éducation à l’image, pour accueillir des artistes. Il nous manquait ce maillon de l’écosystème qui soit un outil de travail. À la fois salle de projection, lieu de travail, de médiation, d’échanges sociaux pour créer du lien avec la population, les artistes, les professionnels et mélanger les publics.

Ancrage et développement

Il y aura un véritable ancrage.

C’est l’axe de mon projet, réinvestir la cité, créer de nouveaux liens avec la ville et le territoire L’ancrage local renforce celui que nous avons au plan mondial. Nous serons encore plus présents tout au long de l’année. C’est ce qui se passe déjà aux Papèteries 2015 avec les professionnels, grâce à l’aide aux entreprises, aux formations. Le Haras se situe au cœur de la ville, il sera ouvert au public. Notre réseau va nous permettre de faire venir des grands noms de l’animation, de médiatiser nos actions, de créer des instants précieux à la fois pour les professionnels et pour le grand public.

L’équipe de CITIA va évoluer ?

Elle va se densifier. Nous accueillerons de nouveaux métiers, de nouvelles compétences.

C’est enthousiasmant ?

Et vertigineux. Il y a beaucoup de travail à mener de front avec ce que nous faisons déjà. C’est un travail d’enjeux stratégiques très structurants pour le cinéma d’animation, pour le territoire. Il est dans le radar des autorités nationales.

De nouvelles perspectives

Est-ce que de nouveaux axes apparaissent ? On se souvient de l’exposition d’artistes chinois au château d’Annecy qui montrait des connexions entre l’animation et l’art contemporain.

Pour le dire de manière synthétique, le cinéma d’animation est un art qui repousse les frontières technologiques. L’enjeu est que la technique soit au service des créateurs. Il repousse aussi les frontières géographiques. L’hommage cette année à la création africaine en témoigne. L’Afrique, l’Amérique du Sud, certains pays en Asie se mettent à produire de plus en plus. Des talents s’expriment de partout. Des frontières sont repoussées en matière de cibles, notamment par des plateformes comme Netflix ou Amazon. L’animation est de plus en plus tournée vers les adultes. On l’a vu cette année avec  La traversée, de Florence Miailhe, par exemple. 

L’évolution du long métrage et de nouvelles collaborations

Le court métrage est toujours un laboratoire technique, artistique et de sujets non destinés aux enfants. Le long métrage, lui, comme la série, était essentiellement tourné vers la famille et les enfants. Les plateformes ont compris l’enjeu et les longs métrages destinés aux adultes apparaissent de plus en plus. Hier est sorti l’information que Netflix collaborait avec  Megan Markle, l’épouse du prince Harry pour produire une série d’animation. Les Obama produisent avec Netflix des séries d’animation qui abordent des sujets comme l’identité. On peut considérer que c’est anecdotique mais on voit que de nouvelles collaborations naissent avec des gens qui ne viennent pas forcément du milieu. Des réalisateurs de live se mettent à l’animation.

L’animation, un cinéma de rigueur et de liberté

Comment s’explique le succès du cinéma d’animation ?

C’est entre autre une question générationnelle. Le cinéma d’animation sort de la boîte où  on l’avait positionné jusque-là. Quelques succès importants y ont contribué, comme J’ai perdu mon corps. On peut aborder des sujets très grave, comme avec Flee et les traiter avec une certaine distance. Il est possible de créer des images là où il n’y en a pas, ce qui est indispensable pour certains projets. Parfois même les images d’archives manquent. L’animation apporte énormément de liberté, même s’il comporte beaucoup de contrainte et nécessite de l’humilité. Marjane Satrapi vient de déclarer qu’elle ne s’y frotterait plus. La préparation nécessite beaucoup de temps, qui s’ajoute à celui du tournage. Il faut aussi financer le projet sur toute cette durée. Certains hésitent à se lancer de deux à quatre ans dans un projet.

Flee

Le Haras : un lieu pour donner le « la » dans le monde de l’animation

Nous avons parlé de l’installation au Haras. On sait déjà à quoi ressemblera l’inauguration ? Comment ça va démarrer ?

Il faut que ça commence fort pour donner le la. Nous avons quelques idées. CITIA est un acteur fort de la gouvernance et fera les choses avec rigueur, ambition et professionnalisme pour envoyer tout de suite le bon message et montrer la pleine mesure de la structure. Le projet a pu générer des questions, des débats légitimes. Il est cependant très attendu au plan local, national et international. Il est en pleins cohérence avec le maillage déjà réalisé. Un lieu, des propositions, les Papèteries, le Musée Château, la filière…La réaction est « Ah, ben oui. Quand est-ce qu’on commence ? » Tout le monde, en France, à l’étranger, est convaincu que cet outil va nous permettre de faire de grandes choses.