Dégrader

Dégrader

6 juin 2023 Non Par Paul Rassat

Ohoh, ahah ! On attendait, la respiration suspendue, de savoir si l’agence machin chose dégraderait la note française en matière d’économie et de dette. Et puis non, l’agence machin chose n’a pas dégradé la note française. Ouf ! Certains experts y voient cependant une décision annonciatrice de catastrophe. Il paraît que, juste avant la crise des Subprimes de 2007/2008, une agence avait maintenu au plus haut la cotation de la banque Lehman Brothers. Et puis plouf ! Un plouf mondial, avec éclaboussures en forme de tsunami un peu partout dans la baignoire économique. Alors, la note des agences de cotation…

Dégrader derrière les oreilles

Le verbe dégrader, quand il ne traite pas de coupe de cheveux ou de dégradé en peinture, prend volontiers une connotation infâmante. Se souvenir, à ce propos, qu’Alfred Dreyfus subit l’infamie de la dégradation en même temps que sa condamnation, à tort et au bagne. Dégrader, nous apprend le dictionnaire, c’est « destituer d’une manière infamante. Abaisser, humilier. »

La langue se muscle

S’effritant sans cesse au contact de la réalité changeante et insaisissable, notre langue cherche à se muscler. On ne supprime plus des emplois, on les détruit. On déconstruit ici, décivilise là. Le muscle linguistique sert d’étai à la mollesse de la pensée. On se souvient même du Sarkozy-coucou empruntant au vrai penseur la «  politique de civilisation ». Nous marchions alors sur les parterres de la bêtise telle que la définit Roland Barthes : tautologie et compagnie. Les nazis eux-mêmes devaient être convaincus qu’ils menaient une politique de civilisation.

Court dialogue en hommage à la cotation

— Jordan, j’ai dégradé ta note.

— C’est pas juste, m’sieur. Je m’applique, je fais des efforts.

— Oui, Jordan. Tu fais de ton mieux. Mais ton mieux n’est pas suffisant. Certains réussissent mieux que toi. Et puis, tu ne travailles pas que pour toi. Pense aux efforts incroyables que je produis pour te faire progresser. Pense à l’investissement que tu représentes pour tes parents, pour tes proches, pour la société.

— Justement, m’sieur…

— Ne cherche pas à marchander, s’il te plaît. Mon évaluation respecte les canons de la docimologie.

— Et vous, m’sieur, comment on vous évalue ?

— Ah, mon petit, tu ajoutes l’insolence à l’incompétence ! Tu vas passer d’un A- à un B mol. Ça t’apprendra !