Huître

Huître

7 février 2022 Non Par Paul Rassat

L’huître serait un peu l’équivalent de la carpe, sans les arêtes. Le mutisme de la carpe est légendaire, on dit même qu’elle demeure muette comme elle-même et que l’huître, aussi discrètement, sur elle-même se referme.

   La carpe se mange volontiers farcie.

L’huître farcie donne une perle, ce que ne peut faire la carpe qui, ne parlant pas, ne peut faire preuve d’esprit. Une preuve que les huîtres ont de l’esprit ? Cette petite annonce que cite M.F.K. Fisher dans son livre Biographie sentimentale de l’huître « Ch. cuisinier, blanc, comprenant les huîtres. S’adresser chez Iliffe, 847.Allegheny, ap.13h. » Parfois les huîtres se mettent à plusieurs pour produire un collier.

Pendant ce temps…

Pendant ce temps les bourriches font piètres coquilles sur les étals des superbes marchés, bradées à 30 ou 50%. Ici ou là, une huître baille d’ennui ou d’absence de fraîcheur. Les lendemains et surlendemains de fête fleurent l’iode concentré. L’huître se relâche ! Elle fait sa mauvaise tête. On lui avait fait miroiter des festins, on lui avait monté le bourrichon. Elle fait sa bourrique !

Tout un monde

De l’huître, Francis Ponge écrivait «À l’intérieur l’on trouve tout un monde, à boire et à manger : sous un firmament (à proprement parler) de nacre, les cieux d’en dessus s’affaissent sur les cieux d’en dessous, pour ne plus former qu’une mare, un sachet visqueux et verdâtre, qui flue et reflue à l’odeur et à la vue, frangé d’une dentelle noirâtre sur les bords. Parfois très rare une formule perle à leur gosier de nacre, d’où l’on trouve aussitôt à s’orner. »

 De l’huître qui se monte le bourrichon à l’animal politique

La crevette s’impose comme animal socialiste. Grise et terne à l’état naturel, est devient rose à la cuisson.

La carnation blanche du veau représente parfaitement la droite. Plus particulièrement celle du veau sous la mère qui symbolise à la perfection la transmission sans déperdition de génération à génération, associée à l’ingestion d’anticorps sociaux, le tout donnant des individus solides, résistants à la maladie et au changement. De Gaulle qualifiait les Français de « veaux ».

La grenouille verte est forcément écolo. Elle plonge autant qu’elle coasse.

Le dauphin correspond au mouvement souverainiste.

Les extrêmes ?

À l’extrême gauche, le thon rouge, espèce en voie de disparition, protégée mais qui survit à toutes les surpêches libérales.

Plus délicat de trouver un emblème animal de l’extrême droite, car, comme le demandait Coluche, que signifie plus blanc que blanc ? Transparent ? Alors la méduse ferait l’affaire, urticante ou non.

Reste à trouver un animal du centre, proche de la terre, attaché aux racines, discret, pondéré, forcément un animal de (bonne) compagnie. À chacun de trouver le sien.

Huître, ostracisme et démocratie

Peut-être les Français avalent-ils tant d’huîtres pour conjurer symboliquement le comportement de leurs dirigeants. On peut lire, sur le blog de Martine et Olivier « 

« Ostracisme: Mot politique grec (ostrakismos) emprunté au XVIe siècle et désignant le bannissement pour dix ans, prononcé par l’assemblée des citoyens, d’un dirigeant suspecté d’être trop ambitieux. Il dérivait d’ostrakon, qui signifie “tesson” : en l’absence de papier, les tessons de poterie servaient de support à l’écriture, et en particulier à l’expression des suffrages et des sentences de l’assemblée. Mais ostrakon signifiait aussi “coquille”, et, via le latin ostrea, il a donné également “huître”. L’ostracisme, c’était l’art d’empêcher les huîtres de trop s’accrocher aux postes. » Des bancs d’huîtres à ceux de l’Assemblée ou du Sénat, les perles n’ont pas le même éclat.