Humour,  noir et de toutes les couleurs

Humour,  noir et de toutes les couleurs

29 août 2023 Non Par Paul Rassat

Pierre Desproges pourrait-il exercer son humour aujourd’hui ? Sans doute non, et ce serait dommage, car la fonction crée l’organe. Et si la fonction disparaît, l’organe aussi. Mais pourquoi Pierre Desproges ne pourrait-il pas exercer son humour aujourd’hui ? Pour une question de degrés. Le réchauffement climatique fait monter la température. Les esprits s’échauffent graduellement. Et paradoxalement, les gens prennent tout et de plus en plus au premier degré. Qu’adviendrait-il, de fait, si on rajoutait des degrés d’humour à des degrés de température ? Une surchauffe intenable !

L’humour oblique ?

C’est certainement ce qui explique la géométrisation du monde. Il nous faut le contrôler. Organisation verticale, horizontale, en îlots, en réseau. Bientôt en oblique ? La langue participe de ce contrôle qui permettrait de garder la tête froide. La bienveillance est tendance, elle édulcore et tiédit les relations sociales. Bienveillance et bienséance sont les deux mamelles de l’insignifiance aurait dit le brave Sully du temps de Henri le quatrième. Et à tout prendre ainsi au premier degré, on ouvre la porte aux chiffres. Seul compte ce qui est considéré comme évidence.

Tout se confond

Peut-être entre-t-on dans une époque pré mono quelque chose, pour ne pas écrire tyrannique. Les pouvoirs politiques, dans nombre de pays, ne s’embarrassent plus de la nuance. L’ironie ? Elle n’est plus un écho donnant une résonnance particulière au propos. Elle est le propos et ne se distingue plus du cynisme. Information et désinformation ne font plus qu’un. Dans ces conditions, l’humour !

Taxer le second degré

Revu récemment quelques  «  Sales histoires » jouées par Albert Dupontel et Michel Vuillermoz. Le second étant désormais à la Comédie Française. Il n’est pas impossible qu’un prochain gouvernement interdise ce genre de production. Ces histoires nécessitent absolument de ne pas être prises au premier degré. Mais qu’en est-il alors de la catharsis qui permettrait de contrôler nos pulsions en les exprimant ? C’est, par exemple, le rôle du théâtre. Le second degré permet d’ouvrir, de décoincer le premier afin d’en rire et, ce faisant, d’en saisir les limites. La réalité est un premier degré, la représentation complice un second degré. Mais, de degré en degré, on craint que l’humour ne provoque une ivresse critique difficile à contrôler. Il faudrait le taxer et le consommer avec modération.

Une pensée, un moule, une absence d’humour qui gratouille ?

( La photo est le grossissement d’un détail observé sur le chapiteau d’une colonne, à l’abbaye de Cluny. Tout dépend de l’angle, de l’échelle…)