Julien Beneyton
28 janvier 2024La Fondation Salomon pour l’art contemporain expose Julien Beneyton à l’Abbaye d’Annecy-le-Vieux jusqu’au 21 avril 2024.
Jeu de piste
L’un des exercices qui pimentent la découverte d’une exposition est de transformer celle-ci en une sorte de jeu de piste. Il s’agit de déceler, d’œuvre en œuvre, des indices qui donnent une lecture de l’ensemble. Prenons Balle perdue. Trois enfants dont l’un cherchant une balle parmi des buissons. Il ne la voit pas, mais le spectateur si. Et puis, surmontant les graffiti sur les murs sombres des maisons alignées suivant l’axe d’une voie ferrée, LA PUB ! Angelina Jolie trône en photo dans une publicité pour Guerlain. Il est là, l’indice. Éclairant l’obscurité, la confusion. Hosanna !
Broulaye Diakite & Moukhssine Diouf
Sur cette toile se dessine un peu mieux déjà l’intention de Julien Beneyton. Les deux employés sont représentés dans cet entrepôt qui accueille déchets de toutes sortes. Ces deux-là bossent dans le tri. Ils voient, traitent, sont à mi-chemin entre ce qui se garde et ce qui se jette. En plein milieu de la ligne de fuite, l’œil-hublot d’un lave linge lui-même lessivé. Mise en abyme dans la peinture, mise en abyme de notre propre société.
Survival of the fittest
Peut-être la clé des clés, l’indice des indices ? Cette corneille se repaît du cadavre éventré d’un oiseau. Le sol est jonché de mégots, languette de canette, vis, bâtonnet en bois portant la marque de celle-ci pour manger une glace. Sans que l’on sache pourquoi émerge de la mémoire ce titre Le mort saisit le vif.
Zaouia
Un tableau qui nous plonge dans le bled marocain. Comme souvent dans les réalisations de Julien Beneyton, la lumière baigne tous les éléments qui composent l’œuvre, les réunit dans un même bain. Les personnes représentées deviennent des accessoires de la nature. L’indice ? Le piaf au premier plan, presque caché par la végétation.
Oujda
Arlequinade de couleurs, de mouvement. La publicité pour L’Oreal renvoie à celle de Guerlain. Couleurs et mouvement se croisent, s’enrichissent. Là encore, la perspective accentuée aboutit à une incription sur un véhicule : « Organisation des fêtes ». La vie serait une fête ? Le couple de personnes âgées, au premier plan, semble acquiescer en souriant largement. Ce sont les beaux-parents de Julien ; lui a disparu. Nouvelle perspective, temporelle cette fois. Que gardons-nous ? Que gardons-nous de la vie ? De ce fourre-tout méditerranéen qui mêle les cultures.
The B.A.G
Ce tableau réunit des amis de vingt ans, parmi lesquels le peintre. Le temps a passé, les souvenirs réunissent tout le monde. Sur les murs du cinéma Pathé, les affiches des films que la bande apprécie. Les repères. Au sol , un billet de concert. Traversant le temps, la BMW de Julien Beneyton qui nous accueille à l’entrée de l’expo.
Injection,BMW 316i E 30 ( 1990)
Injection ? Injection du paysage et des souvenirs en soi ? De soi dans le paysage ? Porte ouverte, véhicule arrêté pour regarder le paysage hors de soi et en soi.
Hortillonages
Les hortillonages sont des jardins flottants. Un peu comme nous qui flottons sur ou dans le temps. Les indices sont ici multitude. Un véritable jeu de découverte. Et à y bien regarder, on peut se demander si la clé véritable ne serait pas ici. Dans ce tableau qui montre ce qui se décompose, bidon, cagette abandonnés ou presque, tôles arrachées d’un toit en souffrance…Et puis la force, la vigueur de ces légumes. Entre les deux mondes, l’hortilloneur au service de ses poireaux et de ses choux, comme le peintre au service de ses toiles.
Loïc, graffeur à mi-temps
Ce kiosque à journaux est un précipité de tout le reste. Suivez un axe de lecture. De Dior, par exemple, en passant par Gala, le Financial Times, pour remonter L’orient le Jour jusqu’à Hot Video et retomber dans Challenges ! Français, anglais, arabe, dame âgée, jeune femme dévêtue…Le monde de Julien Beneyton est un fameux kaléidoscope qui mixe le temps présent et celui des souvenirs, les pays, les cultures, les regards. Le tout baigne dans cette lumière de tendresse qui les réunit. Le peintre est un passeur qui garde pour offrir. Un hortilloneur de la mémoire.
Un peu d’humour…
Chaque visiteur se fera son chemin et son propre jeu de piste au milieu de ce Ghetto Bird que Talpa suggère d’appeler aussi Édite Piafs, tant les oiseaux sont partout présents.