La kakistocratie ou le pouvoir des pires

La kakistocratie ou le pouvoir des pires

23 juillet 2024 Non Par Paul Rassat

Lecture très libre du livre d’Isabelle Barth La kakistocratie. Le sous-titre en est Voyage au cœur de l’incompétence. Ne connaissant pas le mot kakistocratie, Talpa a d’abord cru à un régime amaigrissant à base de fruits comme le kaki. Puis au pouvoir de la couleur, une réflexion inspirée par le travail de Michel Pastoureau. Mais la couleur kaki étant aussi appelée caca d’oie, cette voie demeura vite sans issue.

Étymologie

Wikipédia nous apprend : « De l’anglais kakistocracy , attesté en 1644 chez Paul Gosnold.

Emprunté au grec ancien  kakistos («pire »), superlatif de, kakós (« mauvais »), avec le suffixe – cratie , gouvernement. » Ciel ! Comment le gouvernement des pires serait-il possible ? Le monde politique nous en donne pourtant un exemple percutant. Trump, Biden, Poutine, El Assad, quelques généraux ici ou là. Il y a les pires en termes d’efficacité, les pires en matière d’honnêteté et de morale et ceux qui cumulent : les pires des pires. La situation que nous vivons en France permet de s’interroger. À l’adjectif mauvais qui, au superlatif donne pire  ne correspond aucun substantif. C’est dire ! Proposons donc le nom pirosité.

Regard exhaustif

Quand Talpa s’amuse à dénoncer quelques pratiques et insuffisances, l’approche d’Isabelle Barth est exhaustive. Aucun trou dans la raquette critique. Si le sujet vous intéresse, si vous souffrez de la kakistocratie que vous subissez, si vous cherchez, comme dirigeant, patron, manager, enseignant à vous en affranchir, n’en faites pas l’économie : lisez le livre d’Isabelle Barth. Si vous aimez survoler, créer des liens replongez-vous dans certains articles de Talpa.

L’école

Entre autres causes au désastre occasionné par la kakistocratie, Isabelle Barth pointe le fonctionnement de notre système scolaire. L’échec y est interdit et tout élève doit apprendre à faire semblant de savoir. Les professeurs aussi qui, le plus souvent, sont à peu près capables de parler d’un programme dans une matière qui ne les passionne pas personnellement. Se souvenir de l’excellente production de Pierre Bayard Comment parler des livres qu’on n’a pas lus. Souvenir de ce stage organisé pour que les professeurs reconnaissent les élèves à « profil particulier » [ Les termes HPI ou surdoués… eussent relevé de l’élitisme] et qu’ils acquièrent quelques méthodes d’enseignement adaptées à ce public. Sachant que ces méthodes sont bénéfiques pour l’ensemble des élèves. Enthousiasme de la découverte, incroyable élan qui retombe dès la 3ème réunion d’après stage. « Après tout, plus tard, ils devront s’adapter à la société. Alors, c’est à eux de s’adapter au système scolaire. On ne leur rendrait pas service en adaptant nos méthodes… » Souvenir du jour où l’un de nos fils rentre tout content du lycée. Pour une fois, il a eu une vraie bonne note ! Comment il a fait ? Simple, au niveau du professeur.

Le monde du travail

Le même, quelques années plus tard. Lisbonne où est délocalisée pour des raisons de budget une entreprise travaillant à récupérer des impayés pour une multinationale. Au bout de quelques mois, ce nouvel employé propose à son chef de service une méthode simple qui serait plus efficace et permettrait d’aller plus vite. On tape sur l’épaule du jeune homme avec un sourire. On lui fait miroiter un avancement qui n’arrivera jamais. Travailler mieux et plus vite, vous n’y pensez pas, on nous donnerait plus de boulot !

Le privé et le public 

Dans Les mensonges de l’économie, John Kenneth Galbraith, qui n’était pas spécialement de gauche, dénonçait les mensonges et manipulations du secteur privé. Tout aussi incompétent que le secteur public, le privé, au lieu de chercher à s’améliorer, se contente de dénoncer les manques du public afin de ne pas souffrir de la compétition avec lui et de récupérer ce secteur d’affaires.

La relativité du rationnel

Le plus frappant pour Talpa, à la lecture du livre d’Isabelle Barth, c’est que la gestion, le management  , l’organisation prétendraient relever exclusivement d’ une approche rationnelle. C’est oublier la dimension humaine, psychologique, émotionnelle sans laquelle le reste ne vit pas, ne fait pas sens, et foire ! Ne pas oublier de prendre en compte même les signaux les plus faibles. Lors de la privatisation des chemins de fer anglais, on alla jusqu’à supprimer le tout petit budget qui permettait de nourrir des chats dans les gares. Que croyez-vous qu’il arriva ? Les rats bouffèrent les câbles !

Culture et gestion

Dans la culture aussi sévit la gestionnite. Comme dans le monde de l’entreprise, les gestionnaires, tenant les ficelles, prennent le pas sur les créateurs. Dans tous les domaines d’activité, on fait le programme, on tient le budget, on mesure les résultats avec les grilles que l’on a soi-même conçues. Et ainsi va la kakistocratie : sans surprise puisqu’ avec elle il faut toujours s’attendre au pire.

Kakistocratiquement vôtre

Toute ressemblance avec des faits et des personnages existants ou ayant existé serait purement fortuite et ne pourrait être que le fruit d’une pure coïncidence. « Toute personne, vivante ou morte, est purement fortuite, et ne saurait faire l’objet. » Kurt Vonnegut.