La métaphore

La métaphore

9 avril 2024 0 Par Paul Rassat

Dans La métaphore vive, Paul Ricœur écrit : « La métaphore…consiste dans un déplacement et dans une extension du sens des mots ; son explication relève d’une théorie de la substitution…

Plus loin : « Pourquoi, peut-on se demander, l’usage du langage a-t-il recours au jeu des écarts ? Qu’est-ce qui définit l’intention rhétorique du langage figuré ? Est-ce l’introduction d’une information nouvelle qui enrichirait la fonction référentielle du discours, ou bien le surplus apparent de sens doit-il être renvoyé à une autre fonction non informative, non référentielle du discours ? »

Le degré zéro

Dans Le degré zéro de l’écriture, Roland Barthes écrit :  « Hébert ne commençait jamais un numéro du Père Duchêne sans y mettre quelques «  foutre » et quelques « bougre ». Ces grossièretés ne signifiaient rien, mais elles signalaient. Quoi ? Toute une situation révolutionnaire. Voilà dond l’exemple d’une écriture dont la fonction n’est plus seulement de communiquer ou d’exprimer, mais d’imposer un au-delà du langage qui est à a fois l’Histoire et le parti qu’on y prend…D’où un ensemble de signes donnés sans rapport avec l’idée, la langue ni le style, et destinés à définir dans l’épaisseur de tous les modes d’expression possibles, la solitude d’un langage rituel. »

Porca madonna

Indignation de Roberto Fellini !  Les dialogues en français de l’un de ses films avaient méthodiquement repris et traduit tous les « porca madonna ! » qui émaillent naturellement les conversations italiennes. En français, cela n’avait plus aucun sens.

Le discours politique

Dans Le réel, Traité de l’idiotie, Clément Rosset écrit : « Le lien entre le langage et la violence apparaît très clairement dans l’écriture grandiloquente par excellence, l’écriture politique, réservoir d’outrances verbales aussi montone qu’inépuisable. Le renoncement au réel y est en effet nons pas occasionnel mais systématique puisque l’objet dont traite une telle écriture ne concerne le réel qu’accessoirement et désigne d’abord un réseau de signification ( droits, valeurs,etc.) indépendant à l’égard de toute confirmation ou infirmation de la part du réel. » Pour Clément Rosset, l’écriture politique est la seule qui puisse «  énoncer le n’importe quoi. D’où le lien qui relie constitutionnellement et nécessairement le tempérament doctrinaire au tempérament hypocrite : l’énonciation de ce que le doctrinaire tient pour réel n’étant possible qu’à la condition d’aménager sans cesse les démentis offerts par la réalité elle-même. »

Zéro pointé

Le discours sans métaphore revendiquée asphyxie la réalité. Tout discours est fondamentalement une métaphore de la réalité que les mots traduisent. L’absence de métaphore serait donc la volonté de réduire la réalité à la réalité. Aucune interprétation n’en serait possible. Nous sombrons alors dans la bêtise qui repose, selon Roland Barthes, sur la tautologie, la définition d’une chose par elle-même. «  Paris sera toujours Paris ! La réalité sera toujours la réalité ! » C’est là que se pointe François Lenglet avec ses graphiques indiscutables et qu’on nous somme, une fois de plus, de regarder la réalité en face. « Un seul peuple, un seul État, un seul chef ». Une seule réalité.

La métaphore poétique

« …Robinson s’était efforcé d’apprendre l’anglais à Vendredi. Sa méthode était simple. Il lui montrait une marguerite, et il lui disait :

   — Marguerite.

   Et Vendredi répétait :

   — Marguerite…..

Un jour cependant, Vendredi montra à Robinson une tache blanche qui palpitait dans l’herbe, et il lui dit :

   — Marguerite.

   — Oui, répondit Robinson, c’est une marguerite.

 Mais à peine avait-il prononcé ces mots que la marguerite battait des ailes et s’envolait.

  — Tu vois, dit-il aussitôt, nous nous sommes trompés. Ce n’était pas une marguerite, c’était un papillon.

   — Un papillon blanc, rétorqua Vendredi, c’est une marguerite qui vole. »

Le galet et la lune

… « Plus tard, Vendredi et lui se promenaient sur la plage. Le ciel était bleu, sans nuages, mais comme il était encore très matin, on voyait le disque blanc de la lune à l’ouest. Vendredi qui ramassait des coquillages montra à Robinson un petit galet qui faisait une  tache blanche et ronde sur le sable pur et propre. Alors, il leva la main vers la lune et dit à Robinson :

   — Écoute-moi. Est-ce que la lune est le galet du ciel, ou est-ce ce petit galet qui est la lune du sable ?

  Et il éclata de rire, comme s’il savait d’avance que Robinson ne pourrait pas répondre à cette drôle de question. »

                         Extraits de Vendredi ou la vie sauvage de Michel Tournier

La métaphore quantique

Il paraît que l’on ne peut pas vivre en permanence dans un monde poétique. Il nous faut de la gestion. Pourquoi pas ? Le problème est cependant que les gestionnaires, détenant les outils d’organisation du monde, imposent leur point de vue comme le seul possible. Nous enjoignant de regarder la réalité en face, ils oublient que nous faisons partie de cette même réalité. Particules dansantes.