Le vide

Le vide

21 mai 2023 Non Par Paul Rassat

La nature a horreur du vide, paraît-il. Alors on meuble. Depuis un certain temps, l’événementiel a remplacé la culture à Annecy. La vitrinisation de » ce merveilleux  terrain de jeu » nourrit cet appel du vide. La culture n’est plus ancrée dans la ville, elle la recouvre d’un vernis qui fait kitsch. D’événement en événement, l’animation sportive, événementielle, touristique comble le regard.

Mais au-delà ?

On semble avoir oublié le passé culturel et artistique d’Annecy. La culture devient image, symbole, abstraction, étincelles dans lesquelles mettre n’importe quel contenu. L’animation d’Annecy Paysages fait contrepoids au cinéma d’animation. Celui-ci éprouve enfin le besoin de se réancrer dans la ville. Le Festival du Cinéma Italien subit de graves remous. On ne les aurait pas vus venir ! Alors que nous partagions avec l’Italie  territoire, Histoire et valeurs.

À méconnaître son histoire à ce point, et sa culture, Annecy s’ouvre à toute manifestation, à tout défilé qui, comme tout récemment, revendique des valeurs nationalistes. «  La France aux Français » y aurait-on entendu. Quel prix ont payé les étrangers, au plateau des Glières, pour que la France demeure française ? Talpa rappelait dans un article que le Front National a initialement été le Front National de lutte pour la libération et l’indépendance de la France. Ce mouvement a été créé par le Parti Communiste Français en 1941.

Le coup du coucou

À méconnaître le passé, on permet à n’importe qui de le détourner, de se l’approprier. Pour ceux qui ne le connaissent pas, voyez le film de Bernard Favre, La trace. Solidement ancré dans l’Histoire, il montre à quel point elle éclaire le regard de ceux qui veulent comprendre. La cohérence passe par le savoir et l’ouverture qui permettent l’évolution.

Émigration/immigration

Voici des extraits d’une affiche placardée sur les murs de Paris en 1850

« Des étrangers, les Savoyards, inondent la capitale. Cette peuplade envahissante porte un grand préjudice au pays. Ne serait-il pas temps d’y mettre un terme et d’arrêter ce torrent qui déborde sur la France?

Le gouvernement doit protection à la classe ouvrière… Est-il juste que des étrangers viennent moissonner les ressources du pays?”

De quelle utilité nous sont les Savoyards? Quelle industrie ont-ils apportée en France? Si ce n’est elle de nous agripper nos pièces de 5 francs!

Les commissionnaires de tous les chantiers de Paris sont Français. Mais le travail est enlevé par les Savoyards et ces malheureux restent les bras croisés. A toutes les stations des chemins de fer: partout des Savoyards! La banque, le Trésor, les messageries, les hôtels de vente, tous les grands établissements: partout des Savoyards… Ils envahissent jusqu’aux sellettes des malheureux décrotteurs, les ponts, les quais, les boulevards, les rues: toujours des Savoyards!

Les pièces de 5 francs qui entrent dans leur gousset n’en ressortent plus!…

Ce n’est pas tout: ils ont causé la ruine de plusieurs de nos établissements ; ils empêchent beaucoup d’autres de se former.

S’ils n’étaient pas là, on ne verrait plus d’ouvriers sans ouvrages, plus de domestiques sans place, plus de vagabonds…

Il y a parmi eux des fils de fermiers, des gens aisés. Seuls les malheureux restent dans leurs pays pour cultiver les terres.

Serait-il donc injuste d’exiger une parcelle des trésors qu’ils nous enlèvent chaque année? Ne serait-il pas bien de leur imposer de payer un impôt (patente) de 2 F par mois, 24 F par an: cette somme serait affectée à quelques maisons de retraite, pour des personnes âgées et sans ressources?…

Signaler un abus, c’est faire acte de bon citoyen ».

Le baroque, le mouvement qui élève

La Savoie est une terre d’incessants mouvements de population : émigration, immigration, mouvement pendulaire vers la Suisse que nous annexons comme la France. Là encore, le passé et la tradition rejoignent la modernité actuelle.

Qu’en retenir ?

Peut-être le baroque. L’art du mouvement que nous devons aux Savoyards expatriés qui avaient fait fortune et, de retour au pays, finançaient des réalisations baroques. Finalement tout pourrait être affaire de culture. Demeurons reliés au monde, au monde de la tradition, de la modernité et de l’action, du passé et de l’innovation, pour cultiver le jardin savoyard, continuer de l’enrichir et de l’embellir pour mieux l’ouvrir à nous-mêmes et aux autres.