L’éternité

L’éternité

12 mai 2023 Non Par Paul Rassat

On connaît la boutade de Woody Allen « L’éternité c’est long, surtout vers la fin. » Boutade qui n’en est pas vraiment une. Jorge Luis Borges aborde la question dans Histoire de l’Éternité, dont le titre est en lui-même un oxymore, un jeu, une impasse sémantique ouvrant sur l’immensité temporelle. Borges se demande si ce sont nos courtes vies qui défilent brièvement devant l’éternité, ou si ce ne serait pas l’inverse. Et même si le temps se déroule vers la fin, ou vers le début. La vie n’a plus de sens !

À double sens

Les Parques géraient nos vies, de la naissance à la mort. Leur nom vient d’un verbe qui signifie «  épargner ». Et pourtant, la première tenait le fil de nos vies. La deuxième le déroulait. La troisième, munie de ciseaux, le coupait. Épargner ! Mais si la vie se déroule dans les deux sens, ça change tout.

L’éternité comme indispensable mémoire

Dessin © Franz Schimpl

« On sait que l’identité personnelle réside dans la mémoire et que perdre cette faculté entraîne la stupeur, écrit Borges. On peut penser la même chose de l’univers. Sans une éternité, sans un miroir sensible et secret gardant ce qui s’est passé dans les âmes, l’histoire universelle n’est que temps perdu — et avec elle notre histoire personnelle, ce qui nous réduit de façon désagréable à l’état de fantômes. Le disque du gramophone de Berliner, le transparent cinématographe, simples images d’images, idoles d’autres idoles, ne suffisent point. L’éternité est une invention de plus de ressources…Nier l’éternité, supposer le vaste anéantissement de tant d’années chargées de villes, de fleuves et de joies, n’est pas moins incroyable que d’imaginer leur totale salvation.

  De quelle manière commença l’éternité ? »

Saint Augustin

«  Avant de commencer, le poème est dans mon attente ; à peine l’ai-je terminé qu’il est dans ma mémoire ; au moment où je le dis, il se partage entre la mémoire pour ce qui est déjà dit  et l’anticipation pour ce qui reste à dire. Ce qui se produit pour le poème entier se produit pour chaque vers et pour chaque syllabe. Je dis la même chose de l’épisode plus long dont le poème fait partie et du destin individuel qui est une série d’épisodes et de l’humanité qui est une série de destins individuels. »

Dieu, invisible donc éternel

Perdre son temps

Un peu plus haut-remontons le temps-Borgès cite Jorge Santayana « Vivre est perdre son temps ; nous ne pouvons rien retrouver ni rien garder, si ce n’est sous forme d’éternité. »

L’éternité vécue

Page 121, édition du Rocher, 1958. Borgès écrit «  Il ne reste plus qu’à signaler au lecteur ma théorie personnelle sur l’éternité… » Si chacun a sa théorie personnelle d’une éternité qui nous dépasse et nous relie tous! Quelle est la vôtre?