L’eucharistie comme nourriture
26 août 2023Voici l’épisode sept d’Une brève mais véridique histoire de la gastronomie. Manger, même si l’on ne croit pas, est l’eucharistie, la communion. ( En image, une réalisation de Valérie Hermans, un « plat » qui a une forme ronde, sorte d’hostie laïque).
Manger, une représentation plus intense que la réalité
Aujourd’hui l’idée, l’artiste, l’œuvre réalisée par l’artiste et le regard que le public pose sur celle-ci sont indissociables. Évolution issue, selon Giorgio Agamben de la publication en 1923 d’un texte du moine Odo Casel selon lequel « la célébration du sacrifice eucharistique dans la messe n’est pas une représentation…de l’événement salvateur : elle est elle-même l’événement. »
Nous participons de la chaîne alimentaire
Il en va de même pour la cuisine, pour la nourriture. En réalité nous sommes autophages et notre relation à la nature pose la véritable question de notre existence, avec question subsidiaire qui apparaît au début du 21° siècle. Mais quelle place occupons-nous véritablement dans la nature ? Les antispécistes pensent qu’il n’y a aucune hiérarchie entre les animaux et nous, et pourtant le steak tartare et le carpaccio… !
Un peu de philosophie
Dans « 101 expériences de philosophie quotidienne » Roger-Pol Droit nous propose de transformer notre corps (et notre esprit) en vaisseau naturel. »
Au chapitre « Boire en pissant » il précise. « Vous vous inventez en quelques secondes un corps délirant, simplissime, et que pourtant vous éprouvez, de manière manifeste, indubitable. Plus d’intestin, de reins, de temps d’attente, de filtrage, de dialyse.. L’eau circule en vous à la verticale, vous êtes traversé par le liquide frais, lavé du dedans, nettoyé d’une manière singulière et palpable. Votre organisme paraît ouvert du dedans, l’eau circule souplement entre intérieur et extérieur, comme, au choix, un flux cosmique ou un lavage automatique. »
Et l’auteur de préciser que cette expérience ne relève pas de la cure thermale.
Certains se demanderont si pisser sous la douche est une expérience philosophique. Chacun pourra y apporter sa propre réponse.
Ce que nous mangeons réellement
Nous mangeons du temps de vie. Nous absorbons de l’énergie qui déborde du temps présent. Elle ouvre sur l’éternité pendant laquelle nous mangeons les pissenlits par la racine. Pour assurer sa continuité, le monde s’inverse, ce que représente parfaitement la notion de carnaval. « Carne vale », le carnaval est cette période de fête et de bombance, d’excès sexuels, de nourritures de toutes sortes et de viandes. Il précède le triste Monsieur Carême et son serrage de ceinture.
Carnaval est un temps de fête pendant lequel s’inverse le quotidien. Le haut et le bas de la société échangent leur place, tout comme les sexes, le pouvoir et la soumission dans une parodie clownesque de la société. La fête est cette soupape qui, comme les vacances, permet de reprendre le joug de la rentrée ou du quotidien, de retrouver son assiette, son assise.
Étymologie chérie
Une halte étymologique s’impose ici.
La viande est à l’origine tout aliment qui entretient la vie avant de devenir la chair des animaux Le mot viande est étroitement lié à l’idée de vie et se viander c’est risquer de la perdre.