L’HYPERRÊVE Julius Corentin Acquefacques, prisonnier des rêves
10 janvier 2021Un tourbillon d’inventivité
Cet album en sept actes ménage au lecteur une fin d’histoire en une chute véritablement troublante. La narration nous mène de l’état de poussières de rêves à une vision résolument originale du Grand Tout et du Petit Rien, de l’infiniment grand et de l’infiniment petit. L’infini et le fini. Bonjour Pascal ! Nous sommes ballottés entre rêve et réalité, pluie d’atomes du clinamen de Lucrèce aux théories actuelles. Mise en abyme, relativité, paradoxes, jeu entre intérieur et extérieur… Nous sommes emportés dans un maelstrom graphique qui s’accorde à celui de l’inventivité. Dans ce tourbillon apparaissent Le Hasard et la nécessité de Jacques Monod, Le zéro (devenu héros) et l’infini d’Arthur Koestler, le … Presque rien de Jankélévitch.
Des références qui invitent à en créer
Ajoutons-leur Borgès et Les ruines circulaires montrant un être humain en créant un autre par la pensée, lui-même créé de cette façon. Qui crée qui ? Qui rêve qui ? Pourquoi ne pas faire bonne mesure en ajoutant L’Encyclopédie de la stupidité de Mattijs van Boxsel qui précise que toute encyclopédie vraiment exhaustive se doit de se comprendre en elle-même en une succession de mises en abyme qui relève de l’infini.
L’Encyclopédie du tout, Infiniment presque et d’autres ouvrages du même acabit meublent une double page qui renvoie, elle, à l’Umberto Eco de Comment voyager avec un saumon. Dans son Projet pour une Université d’insignifiance comparée, on relèvera parmi bien d’autres curiosités Urbanistique tzigane, Microscopie sidérale, Byzantinisme suisse, Histoire des évidences de Zermelo, Logique informelle, sans oublier Orchopercussion (l’art de s’en battre les couilles) et Sodomokinésie ( rythmique de la pénétration a posteriori).
Rire et humour relient les infinis de toutes sortes
Avant tout, il convient d’abandonner la fâcheuse habitude de séparer l’important et le risible, le sérieux respectable au visage grave et le grotesque bouffon déchaînant l’hilarité. L’essentiel est risible. Vous tenterez donc de vous défaire de la conviction que rire des plus grandes idées serait une manière de les mépriser. La meilleure façon de respecter les idées, c’est le rire.
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Quant à Arthur Koestler, cher à Marc-Antoine Mathieu, il écrit dans Le cri d’Archimède
La structure sous-jacente à toutes les variétés d’humour est « bisociative » : il s’agit de percevoir une situation ou un fait dans deux contextes d’association habituellement incompatibles. Le résultat est un brusque transfert du courant de pensée d’une matrice à une autre…rejetées par la raison [certaines émotions] s’échappent par les issues de moindre résistance, dans le rire.
C’est ainsi que Tout Pi et toupie voisinent, que le vide est plein de vide, que le contre pied et le paradoxe sont rois, que l’auteur abolit la matière, l’espace et le temps pour nous transformer en signaux. Qu’il est question de l’utilité de l’art ! Du danger d’être « face à » si cher à la taupe qui s’en moque parce qu’elle creuse et passe à côté ou bien en-dessous.
Inclassable, mon cher Watson
Comme nombre de très bons livres, Hyperrêve est inclassable. Il convient aussi bien à celles et ceux qui pratiquent la spéculation intellectuelle (avec modération bien sûr, afin d’éviter l’ivresse) qu’aux lecteurs qui apprécient un graphisme de qualité associé à des trouvailles de mise en page et de mise en plis.
Un livre infiniment ce que vous voudrez où chacun pourra trouver son compte. Il est le tome 7 de la série Julius Corentin Acquefacques prisonnier des rêves.