Malaz, un Festival qui replace le théâtre au cœur

Malaz, un Festival qui replace le théâtre au cœur

23 juin 2022 Non Par Paul Rassat

Rencontre avec Hugo Roux, de la Compagnie Demain dès l’aube, qui a pris la responsabilité de l’événement et envisage le théâtre de façon très engagée. Le programme du Festival de Malaz 2022 est là : Programme. Vous avez des informations ici aussi. Théâtre en plein air, du 28 juin au 2 juillet.

Un Festival à la maison

Le Festival de Malaz existe depuis 2010. La Compagnie Demain dès l’aube en a pris la responsabilité en 2017. Cet événement a pour vocation de faire sortir le théâtre des salles. Nous sommes dans la filiation de la décentralisation de l’après-guerre. Il s’agit de rapprocher le théâtre des gens en les retrouvant dans ce parc de Malaz qui est le leur. Ils y organisent des mariages, des anniversaires, des repas d’associations. L’enjeu est de demander à des artistes de transposer leur spectacle en plein air, sous les arbres, avec l’économie technique la plus précaire possible. De trouver une harmonie artistique avec le lieu pour que les habitants le découvrent d’un œil neuf.

Des conditions de jeu et de rencontre

Les conditions de jeu poussent aussi les acteurs à redécouvrir leur travail.

Ils peuvent lui donner une dimension lyrique, épique. Les grands arbres centenaires qui surplombent la scène peuvent entrer en dialogue avec ce qui s’y passe.

Précarité et ingéniosité

Le Festival de Malaz pose la question de l’importance de la culture et du théâtre au lendemain des Législatives. Le Festival a une dimension sociale, tous publics, avec des représentations gratuites ou à prix très abordable, en plein air. On pourrait penser que c’est une solution par défaut. Il permet en fait de revenir à certains fondamentaux en échappant à l’uniformisation des salles.

C’est une volonté de revenir à une forme de précarité pour aller au cœur de ce que doit être une représentation théâtrale. Jouer sur une scène est déjà un exercice vertigineux. En plein air, on n’a pas toute la machinerie qui nous empêche de voir les spectateurs, tous les voiles qui nous permettent de tricher, de faire du faux. Il faut donc se débrouiller pour tricher vrai en déployant beaucoup de puissance de jeu. Nous nous invitons, le temps d’une semaine, chez les gens qui viennent à notre rencontre.

Ce que coûte la culture

En matière de culture, il y a l’héritage de Malraux, les années 80 avec une véritable volonté, incarnée par de grands noms. On peut avoir l’impression que par la suite le libéralisme débridé  fit considérer, à tort, que la culture n’est pas rentable.

Le Festival de Malaz est pour moi l’aboutissement d’un ancrage territorial. Nous retournons voir des gens avec lesquels nous sommes en contact toute l’année. Ce n’est pas un événement qui débarque de Paris et invite des équipes transplantées. Je suis sur les marchés, je distribue mes dépliants et j’entends les gens. Nous sommes à un moment de bascule extrêmement dangereux pour la culture. Il y a pléthore d’événements gratuits à Annecy. Et la première réaction des gens qui prennent mon dépliant est « Est-ce que c’est gratuit ? » Payer pour la culture qui vit de nos impôts, est-ce que ce n’est pas trop ? L’approche ultralibérale suggère que tout devrait être rentable. Après tout, pourquoi les artistes ne se démerdent pas pour faire des spectacles qui rapportent de l’argent ? L’idée d’après-guerre d’un grand théâtre de service public qui œuvre pour les gens et pour la société est en train de disparaître.

Une démarche unique à Annecy

Je ne pense pas qu’on ait pris la pleine mesure de ce qui se passe. Il ne s’agit pas de critiquer les autres. Toutes les initiatives sont bonnes. La nôtre est simple et unique dans l’écosystème culturel local. Des troupes émergentes, qui ne se produisent pas ailleurs puisque chaque structure culturelle du secteur a pris une autre orientation. Il n’y  donc pas d’espace de représentation pour de jeunes troupes à Annecy. La deuxième caractéristique de Malaz est une esthétique de théâtre public, subventionné, qui n’a pas vocation à être rentable. Ceci autorise une totale liberté de ton.

La conversation se poursuit sur un thème d’actualité : les subventions publiques comme arme pour ou contre tel courant politique, telle ville…