Médecine mécaniste et commerciale
26 avril 2023Entretien avec Gérard Fourneret, qui fut cardiologue à Lons-le-Saulnier. Petite approche de certains problèmes actuels de la médecine. Ceux-ci ne semblent pas être le fruit d’impondérables mais le résultat de mauvaises décisions parfois délibérées.
Des problèmes bien connus
La situation actuelle de la médecine est préoccupante du fait d’une démographie très défavorable. En fait, les problèmes sont connus depuis fort longtemps. Ils ont été voulus et créés par les politiques. À savoir, trois problèmes majeurs.
Le numerus clausus
Un numerus clausus beaucoup trop bas dans les années 2000, limité à 3000 étudiants de médecine pour toute la France. On partait du principe que moins on aurait de prescripteurs mieux on pourrait rationner les soins et diminuer la consommation. Diminuer l’offre pour diminuer la demande.
Les 35 heures
Deuxième problème, les 35 heures. Les médecins se sont dit « Nos concitoyens veulent travailler 35 heures. Nous en faisons 55. Nous sommes dévoués corps et âme, nous faisons des gardes…Il n’y a pas de raison qu’on ne fasse pas comme les autres. »
La féminisation
Troisième problème, la féminisation de la médecine. C’est un fait sont plus motivées que les garçons, elles réussissent mieux dans ce type d’études. Mais les politiques n’ont jamais voulu en tenir compte : une femme a deux vies, sa vie professionnelle et sa vie familiale.
Cette accumulation de données était connue, elle n’a pas été anticipée.
Une volonté délibérée
Ce serait donc davantage une volonté délibérée que de l’incompétence de la part des politiques.
Exactement. Alors qu’il y a un vieillissement de la population et donc une demande accrue de soins. La solution a été, à une époque, de recourir à des médecins étrangers. D’abord intracommunautaire puisqu’on a décrété qu’il y avait une équivalence des diplômes au sein de l’Union Européenne. Comme ça ne suffisait pas, on a élargi à d’autres pays. On s’est retrouvé avec des gens qui n’avaient pas toujours des compétences équivalentes à celles de nos médecins mais qui coûtaient moins cher puisqu’on ne les avait pas formés. Et puis un autre point négatif est que certains pays, comme la Roumanie, forment de jeunes médecins qui s’expatrient après. Ces pays ont tout le coût des études, à perte. Et ils sont déficitaires sur le plan médical.
La solution
Quelle serait la solution ?
Premièrement de former davantage de médecins français. Le problème majeur est l’adéquation entre les médecins conventionnés et les installations. Il y a une surpopulation médicale dans certaines régions, le sud de la France, certains coins de Paris. Les syndicats, l’Ordre ont toujours été hostiles à une politique de quotas comme pour les pharmaciens. La médecine est une profession libérale, mais elle vit en partie d’argent public. On pourrait donc envisager une obligation de s’installer là où il y a besoin de médecins.Après un certain nombre, il serait possible de s’installer ailleurs. C’est d’ailleurs devenu plus envisageable puisque les médecins ne rachètent plus une clientèle et s’installent de plus en plus dans des maisons médicales. Les municipalités s’activent aussi pour fournir des locaux, pour accueillir les médecins dans les petites communes. La difficulté semble être de fidéliser ces médecins, parce qu’il y a une chasse aux primes.
La technocratie n’est pas une bonne médecine !
Nos technocrates ont de l’imagination. Leur rêve est de tout décaler d’un cran. On l’a vu pour la gynécologie médicale. Il n’y a pratiquement plus de gynécologues en France. Ce sont les sages femmes qui font le travail des gynécologues. L’idée est de faire des infirmières qui seraient un peu officiers de santé, de leur redonner des compétences médicales, mais elles coûteraient moins cher que le médecin. C’est le tir de barrage du Conseil de l’Ordre !
À juste titre ?
Certaines choses peuvent être déléguées, il faut les définir de façon collégiale, ne pas les imposer par une tutelle administrative qui décide de tout.
La politique à vue de nez
Est-il possible d’établir un parallèle avec la gestion du Covid ?
Au début, ça a été la panique lorsqu’on s’est rendu compte qu’on n’avait pas de masques, pas de gel hydroalcoolique. On a détruit des stocks de masques en pensant qu’ils ne serviraient jamais. On a pensé qu’on n’avait plus besoin de produire en France, d’où la disparition de notre tissu industriel. Nous allions vivre des services, de l’industrie du luxe, du tourisme. Nous avons saccagé notre industrie pharmaceutique qui se trouvait à la 3° place mondiale dans les années 2000. Au point que nous ne sommes même plus capables de faire du Doliprane ou de l’Efferalgan.
On n‘est jamais dans l’anticipation.
On a l’impression d’être gouvernés à vue. La principale préoccupation de nos élus est d’être réélus. Ils gouvernent à vue, à court terme, sans calculer les conséquences à long terme de leurs décisions. Ils gèrent au jour le jour. L’énarchie arrogante est la nouvelle monarchie française. Elle pense détenir la vérité, et les manants…
La part d’humain
Alors qu’en médecine il y a des savoirs que l’on module en fonction de chaque patient, de chaque situation.
Il y a la partie scientifique dans la médecine. Mais il y a au moins 50% d’humain. La vision actuelle, ce serait la télémédecine : un écran, un ordinateur, la webcam. On voit même plus la tête du mec. Comment voir le teint du patient, palper le ventre. C’est de la médecine dématérialisée, donc déshumanisée. De la médecine commerciale.