Meurisse Catherine

Meurisse Catherine

10 décembre 2022 Non Par Paul Rassat

Les antibiotiques, c’est pas automatique, contrairement aux armes. La vie non plus n’est pas automatique. Depuis quelques albums, Catherine Meurisse s’emploie à dépasser le staccato qui aurait pu effacer toutes ses attaches à la vie. Parcourons cette convalescence avec la lecture de trois dessins. Seulement. Parti pris et assumé.

La légèreté

Si la légèreté de CM  à quelque chose à voir avec  l’Insoutenable légèreté de Milan Kundera, elle forcément anti kitsch. Anti vernis qui se dépose au fil des générations sur les classiques. Anti bourgeoise au sens où l’entendait Barthes qui n’était pas sourd. Cm relit, revisite, décape. Sa tendresse irrévérencieuse redonne vie au propos des philosophes, des écrivains, des artistes. Elle  les appelle par leurs prénoms, comme elle s’adressait à ses confrères de Charlie. Marcel, Eugène…

Légèreté encore

Payer l’addition pour continuer?

La légèreté, dessin en bas de page 37. Nous sommes à Balbec. Anesthésiée par le staccato sus mentionné et ses conséquences, CM partage au Grand Hôtel de Cabourg un « goûter Marcel Proust ». Mais rien. Aucune émotion. L’anesthésie opère encore ; le temps est toujours perdu. Déception comme celle de Marcel découvrant La Berma. Et cette formule automatique du serveur «  S’il vous plaît. Bonne continuation. » Mise en abyme et en abîme dans le temps non retrouvé. Comment retrouver son paysage intérieur pour rallier l’extérieur ?

La jeune femme et la mer

Se retrouver par l’évasion. Aller voir ailleurs si j’y suis. C’est l’art que pratique l’auteure par le jeu de mots, l’humour, la pensée en arborescence et l’association d’idées. Elle décape et se livre au gai savoir anti scolaire. Elle revoit l’art sans sombrer dans Ce que l’art nous empêche de voir ( de Darian Leader). «  Sur les épaules des géants », elle n’hésite pas à leur donner des pichenettes qui les réveillent du sommeil où l’académisme les a plongés. Elle pratique la conversation qui éveille l’autodidacte en chacun de nous.

Le clair de lune…au Japon

Un dessin occupe à lui seul la page 78. Clair de lune sans présence humaine apparente mais que seule l’émotion peut transcrire ainsi. L’émotion d’une profonde conversation avec le paysage et avec soi. Le reflet de l’astre renvoyant au reflet de soi. Vagues, mer étale, lointaine et rivage…tout se parle, se mêle. La conscience s’y montre. Pensée en arborescence, paradoxe qui rapproche au lieu de séparer.

Humaine Trop Humaine

Pied de nez amical à Friedrich. La féminité de CM ne passe pas par la revendication frontale et simpliste. Elle prend les chemins de la création et de l’affirmation de soi. Elle pousse le discours masculin dans ses contradictions avec l’évolution de nos sociétés. L’humour et la tendre provocation s’y engouffrent. Les pages 48/49 y montrent l’effet boomerang que l’on retrouve ailleurs avec Diderot et d’autres. Sisyphe, à la façon d’un bouseux, y roule son rocher qui dévale aussitôt la pente pour écraser Camus. Inexactitude historique. La voiture transportant Gaston Gallimard et Albert Camus s’écrasa absurdement contre un platane. Pied de nez à l’absurde.

Le vrai dessein

Le véritable bijou de cet album figure page 55. La Vierge y passe l’aspirateur. Moulinex libère la sainteté. Métaphore philosophique que ce dessin : à quoi aspire la Vierge ? Métaphore sexuelle et perplexité : une sainte aspire-t-elle ? Avale-t-elle ? Les onomatopées qui accompagnent la divine aspiration ne permettent pas de répondre clairement à ces questions.. Vide jusqu’à l’Annonciation, Marie cherche-t-elle à refaire le vide en elle suivant le principe des vases communicants ? Avec l’aspiration mécanique mais pas automatique. Poussières nous sommes…