Michel Vinaver
3 mai 2022Michel Vinaver s’est éteint un premier mai. Lui qui a tant œuvré pour le théâtre a décidé de partir le jour où l’on célèbre le travail…en ne travaillant pas. Ambiguïté qui rejoint celle du théâtre. Tout y est joué et pourtant plus vrai que vrai. Talpa vous propose un assemblage composé d’extraits de textes déjà publiés sur le site afin de rendre hommage à Michel Vinaver.
Hommage au théâtre, à la culture, à la vie
Ce 9 septembre 2021 fut la première journée d’hommage à Gaby Monnet, organisé au château d’Annecy par l’association Yaniléo. Michel Vinaver y a retrouvé cette cour qui accueillit les Nuits Théâtrales du Château au lendemain de la Libération. Elles firent partie de ce formidable mouvement d’où naquirent à Annecy toutes les structures qui ont engendré le Festival du Cinéma d’Animation, Bonlieu Scène Nationale…Le théâtre de la ville comprend une salle « Gabriel Monnet » dont le nom apparaît très, trop discrètement sur les murs. Si Gaby fut fait citoyen d’honneur d’Annecy, il n’avait pas pu y monter « Les Coréens », pièce écrite par Michel Vinaver. Le pouvoir de l’époque était trop cauteleux pour autoriser un regard sur la colonisation après les « provocations » d’ « Ubu roi » déjà représenté au château ! En cette période virale, l’hommage à Gaby Monnet revêt l’intérêt vital d’une piqûre de rappel.
Résistance et révolte
« Ça fait drôle de se retrouver au château » déclare mezza voce Michel Vinaver en redécouvrant la cour. Il était repassé dans les lieux de la grande aventure culturelle de l’après-guerre en 2015. Sa conférence d’alors retraçait l’élan né de l’esprit de la Résistance. Il en indiquait les grandes lignes, Peuple et Culture, les noms qui avaient porté ce mouvement, dont le sien et celui de Gaby Monnet.
« L’odyssée de la vie journalière »
Vos racines, l’exil de votre famille ont peut-être joué dans votre écriture. Vous avez d’ailleurs changé de voie après deux romans chez Gallimard et l’appui d’Albert Camus.
Je me souviens que la chemise de Gallimard qui entourait mon premier roman « L’atome » portait le slogan « L’odyssée de la vie journalière ». La vie journalière a toujours été pour moi sujet d’étonnement, et à partir de cela d’exploration. J’ai toujours voulu savoir ce que c’était que cette vie journalière. Quelle était sa part dans nos destins. Elle est devenue aujourd’hui un sujet banal. À cette époque j’étais assez novateur, d’autant plus que je m’y intéressais au ras des pâquerettes. Dès lors que j’ai écrit du théâtre, mon axe a été la vie banale, la vie quotidienne d’un village en Corée d’une part. À l’intérieur d’une escouade de jeunes soldats français d’autre part. Leurs conversations étaient liées à la banalité. La banalité comme sujet d’étonnement.
« Les Coréens », enfin !
Sous la direction d’Hugo Roux, acteurs professionnels, amateurs, étudiants en classe théâtre donnaient ensuite une mise en espace du texte de Michel Vinaver. La nuit, le vent, quelques gouttes pour baptiser la représentation chargée d’émotion et applaudie par l’auteur.
Michel Vinaver avec Joseph Paleni sous le portrait de Gaby Monnet à gauche, face à Hugo Roux à droite
Le style ? Un effet souvent superflu
Michel Vinaver nous confiait il y a quelques jours son intérêt pour la vie journalière. Lisez le texte de ses pièces. Bettencourt Boulevard ou une histoire de France, par exemple. Pas de ponctuation. Une disposition qui privilégie la fluidité, les enchaînements, le croisement des répliques. Répliques qui n’en sont pas toujours au sens littéral. Le personnage poursuit parfois son dia-monologue plus qu’il ne répond à un interlocuteur. L’écriture de Michel Vinaver sert avec une diabolique intelligence cette banalité. Son anti-conversation rejoint, il le reconnaît, celle de Tardieu.
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L’enjeu de la scène
« Après Les Coréens » je n’ai plus ressenti le besoin ou l’envie d’un retour à l’écriture narrative » déclare Michel Vinaver, rendant ainsi hommage à Gaby Monnet qui le poussa vers le théâtre. « J’avais trouvé mon lieu d’écriture. » La scène, ce lieu qui peut tout représenter, à tous les sens du terme. Montrer, dire, faire voir, incarner tous les enjeux du monde. Avoir un « style » peut finalement consister à porter un costume qui cache la vérité et la profondeur absentes.