Pensée / liberté
4 juin 2023« L’Homme accède aux Lumières quand il sort de son état de dépendance, dont il est lui-même responsable, et décide de penser non plus sous la direction d’autrui, mais par lui-même. »Jean-François Billeter citant Kant. Billeter, dans Le propre du sujet souligne que la pensée naît dans le corps et s’y développe. Elle est pensée et s’incarne en liberté. Mais les pouvoirs contraignent l’une et l’autre. Se soumettre au langage dont on hérite constitue déjà une menace. Une nouvelle menace jugule la pensée liberté. « Elle la prive du temps qu’il lui faut pour se former. » Elle tient au développement de l’informatique.
L’accélération qui tue la pensée
« Depuis une vingtaine d’années ( le livre de Billeter date de 2021), cette révolution a permis aux dirigeants de « l’économie » de savoir à tout instant où les salaires étaient les plus bas, où les salariés étaient les moins protégés, où la fiscalité était la plus avantageuse….Il en a résulté une accélération folle dans le mouvement des choses et du personnel exécutant. » Les profits s’en sont trouvés concentrés pendant que prospéraient les activités nuisibles. « Telles sont désormais les sources du profit. Ceux qui en profitent ont la voie libre, mais pas les migrants qui fuient la misère, les désordres climatiques et la faillite des États. »
L’artificialisation de nous-mêmes
Les maîtres de l’ « économie » nous ont imposé cette révolution parce que, ne pouvant plus augmenter leurs profits par la compression des coûts de production, ils cherchent à substituer à tous les rapports humains naturels des rapports artificiels dont ils peuvent tirer profit. » Relations factices, course perdue à l’information, foules s’envoyant des images d’elles-mêmes pour prouver qu’elles existent… Pour Billeter, le net fonctionne à l’humeur. « Ainsi se forment des attroupements virtuels qui se vouent les uns les autres aux gémonies. »
La frustration est permanente
Que dire alors de l’intelligence artificielle ? Elle constitue, vue sous cet angle, non pas une aide mais une frustration permanente. Pourquoi prendre le temps de penser puisque la machine le fait plus vite que vous ?
L’anarchie de Paul Valéry
Dans principes d’anarchie, Paul Valéry écrit : « An-archie est la tentative de chacun de refuser toute soumission à l’injonction qui se fonde sur l’invérifiable. — Sois sûr de ce dont je t’assure et ne suis pas sûr, et ne puis l’être. Fais, obéis pour le bien général qui est l’idée que j’en ai, moi. » 1938.