Le même

Le même

5 juin 2023 Non Par Paul Rassat

« Le rythme contient la notion de répétition, acquise en même temps que la perception du mouvement. La reconstitution, le fait de retrouver en soi le même — par une autre voie — … Le mot même peut toujours être mis en défaut. Il n’existe que par la négligence d’une différence, soit que nos sens ne l’aient point perçue, ou que notre esprit ait voulu l’écarter. Cette condition du même est étroitement reliée à notre fonction d’observer, à notre être. Nous ne savons qu’à condition de négliger. Nous construisons de l’identique en construisant notre moi (étymologie commune du même et du moi).

La poésie comme creuset

   Le problème de l’évocation, de la reconstitution en d’autres circonstances d’une chose éprouvée, est résolu dans la poésie grâce à une concordance remarquable qui s’établit entre diverses fonctions. L’œuvre est un moyen, un intermédiaire matériel qui doit susciter des actes ayant pour but de retrouver quelque chose  que l’auteur a ressentie. » Paul Valéry Cours de Poétique I, pages 344/345

Le même est du pareil qui rassure

À bien lire Paul Valéry, la notion de même est une illusion, une facilité de l’esprit née de la négligence. Paresse de l’esprit et besoin de se rassurer en agglomérant au lieu de partir à la découverte du dissemblable, du particulier, de l’hapax. Si l’intelligence consiste étymologiquement à tisser des liens, ce n’est pas pour fabriquer un beau tapis où se vautrer, mais plutôt pour inventer des feux d’artifices dont le bouquet final est toujours repoussé. Penone affirme retrouver dans la matière des formes qui y sont déjà. L’œuvre d’art serait-elle un souvenir ?

Saburo  Teshigawara     

«  La danse permet de voir comment je touche mes pensées.

…Tu construis le temps avec chaque mouvement.

Répétition : à partir de ce qu’on a répété la 2° fois, on crée un événement la 3°

Danser pose la question du réel.

Je veille à ce que mes pièces aient des points d’incertitude, d’ouverture à l’inconscient. »

Ainsi, selon Saburo Teshgawara, la notion de répétition n’existe pas. Pas à l’identique. Vue sous cet angle, elle rejoint ce qu’en dit Paul Valéry et Jean-François Billeter parlant de Tchouang-Tseu. Jean Girel, céramiste, rejoint ce peloton d’échappés, lui qui répète pour être surpris ! La banale variété devient alors un divertissement pour la télé.

PS

On notera l’accord du participe passé ressentie. Il ne s’agit donc pas de quelque chose au sens indéfini, mais de quelque chose, une chose particulière. Le paradis est dans les détails. Ainsi que l’identité.