Revue de paresse télévisuelle : la cuisine psychanalytique

Revue de paresse télévisuelle : la cuisine psychanalytique

27 février 2021 Non Par Paul Rassat

Psychanalyse, le clin d’œil de la taupe

De nouveau En thérapie, Simone, sur Arte ! Frédéric Pierrot cuisine toujours aussi juste dans sa discrétion. Celle-ci, aux yeux de la taupe, avait éclipsé l’éclat d’Isabelle Adjani dans Opening Night mis en scène par Cyril Teste. Cyril qui cousine par le patronyme avec Monsieur Teste de qui Paul Valéry écrit

Chaque esprit qu’on trouve puissant commence par la faute qui le fait connaître. En échange du pourboire public, il donne le temps qu’il faut pour se rendre perceptible. 

La taupe s’était déjà demandé où vont les paroles en général. Plus particulièrement celles qui sont prononcées dans un cabinet psy. Chez le contrôleur ou la contrôleuse, ce poinçonneur qui lit là ce qui a été dit ailleurs. Carole Bouquet en l’occurrence dont le port de tête et de corps correspond parfaitement au rôle. Une sorte de bouquet final.

Cuisine de la langue

Sauf qu’il ne s’agit pas de port mais de bœuf, l’analyste arrivant chez sa contrôleuse  avec une langue de bœuf qu’il lui demande de tenir au frais. S’ensuivent des métaphores filées serré sur l’image de la langue. Oui, nous avons très souvent un bœuf sur la langue, des difficultés à parler vraiment. Mais pourquoi un taureau castré ? II est impuissant à se reproduire, comme nous à parler ? Parce que le bœuf se cuisine merveilleusement bien, qu’il est toujours à la mode, donc indémodable ? qu’au génitif pluriel le mot bos/bovis (bœuf) donne boum ? Certains terroristes auraient d’ailleurs pensé à lui donner du peps en lui octroyant une ceinture d’explosifs mais la bête est trop placide.

Portrait de bœuf. La langue autour de l’animal

Il se paie rarement la poire du consommateur car il est plutôt franc du collier. Animal sociable, il vit en troupeaux au sein desquels il aime à tailler une bavette et s’en payer de bonnes tranches. Pas toujours très finaud, il ne pousse cependant pas cette particularité jusqu’à avoir une araignée au plafond mais contemple le monde de son œil de bœuf inexpressif. Il arrive que le bœuf soit vache, mais le consommateur n’y voit que du feu et consomme parfois de la vache enragée sans le savoir. Il peut être intéressant de signaler que la vache suisse se remarque au fait qu’elle broute en se déplaçant dans le sens des aiguilles d’une montre. Le bœuf est un animal contemplatif qui voyage en imagination grâce à sa capacité contemplative alors que le taureau voyage, à l’occasion, en limousine et dans l’arène.

Recette

L’étymologie de recette renvoie au latin recipio qui signifie

— recevoir, accepter, retirer de l’argent d’un produit.

— engagement, promesse.

— action de recevoir.

La recette est aussi devenue cette méthode à appliquer à la lettre pour faire recette. La démarche peut se limiter à un rapport de recette à recette, à une technique pour un bénéfice.

Elle peut inclure, et c’est souhaitable, de l’engagement, du cœur et la promesse d’une satisfaction personnalisée. La recette de cuisine devient alors bien davantage qu’une recette pécuniaire, un échange d’émotions qui fasse sens en les satisfaisant.

A feuilleter un livre de cuisine de Michel Guérard, on note tout de suite la qualité de l’expression, associée à une pensée qui place la cuisine dans un univers culturel, qui donne sens au geste, à la technique. Si la cuisine s’accompagne pour certains d’une violence nécessaire à la transformation d’une matière brute en un produit de consommation, l’approche de Michel Guérard repose autant sur l’accomplissement de gestes techniques que sur l’estimation personnelle que traduisent nombre d’adverbes :

« délicatement, légèrement, soigneusement, équitablement, joliment, convenablement, imperceptiblement, confortablement, grossièrement, fortement, simplement, énergiquement, moelleusement, doucement, harmonieusement. » Faire recette de l’harmonie, de la douceur, du confort !

Y a-t-il des recettes en psychanalyse ?

Du bon usage des œufs
Portrait de la taupe brouillé aux œufs, donc aux bœufs. Photo © Christophe Rassat

La psychanalyse pour être bien dans son assiette

Bien dans son assiette, dans son assise, dans sa façon d’être, donc sans bœuf sur la langue. L’analyse est-elle une cuisine ? La cuisine une analyse ? Qui vole un œuf vole un bœuf qu’il ne doit pas mettre devant la charrue…Chez Top Chef, on attaque les certitudes, on joue avec les préjugés, on joue du trompe l’œil alors que les Artistes Incohérents jouaient du détrompe l’œil. On sort des sentiers battus (SOS !). On en aurait presque envie de lancer la carte de revisite qui aurait tant plu à Freud et non à verse (« Je fus présenté à la famille où je plus tout de suite, à verse. » Alphonse Allais). Une carte de revisite afin d’anticiper ses actes manqués comme le moule à, du même nom. À y réfléchir, la dénomination « moule à manqué » vaut le détour oxymorique. Tout comme l’expression « twister le produit » utilisée par un chef. Tordre le produit pour le faire danser ! Les cuisiniers sont des chorégraphes et des maîtres chanteurs.