Xavier Dorison,1629…
19 novembre 2022Xavier Dorison écrit en avertissement « Bien que largement inspirée de faits réels, cette histoire reste une adaptation. On pense à Irvin Yalom à propos de son livre, Le problème Spinoza, « J’ai voulu écrire un roman qui aurait pu se produire. » En tout cas les faits et la fiction se trouvent embarqués dès les premières pages par la qualité du dessin et par la profondeur des couleurs. Et le lecteur s’engouffre dans 1629…ou l’incroyable histoire des naufragés du Jakarta. Il en prend plein les yeux.
Plein les neurones aussi
On croit avoir affaire au Massacre des Innocents et apparaît la référence à Agamemnon. L’Histoire, la Religion, la Mythologie se rejoignent. L’enjeu est posé d’emblée : le Bien et le Mal. Les mises en abyme jouent entre elles. Le choix esthétique donne parfois le vertige. Il fond, comme page 13, toutes les dimensions en une vue plongeante et à l’intérieur de celle-ci, incrusté, le regard du personnage. Alternent aussi les pages narratives et d’autres qui ressemblent à des archives.
Mouvement, mouvement, mouvement
Changements de point de vue, d’axe, d’échelle, plongée, contre-plongée…tout reflète ces univers qui se mêlent sur un bateau. Pas totalement : l’avant avec 300 hommes, l’arrière avec femmes et enfants. Et, bien sûr, un trésor embarqué. Un vol prémédité. Les gardiens du trésor prisonniers de celui-ci. Le récit est celui de la lutte que se livrent le mouvement et l’immobilité. La quête de liberté, la cupidité, la rentabilité extrême, le bateau, la mer contre la hiérarchie, l’ordre établi, le règlement, la discipline, les menaces, la peur. Le Bien et le Mal volent en éclats. S’affrontent au lieu de se succéder Charybde et Scylla.
L’espace clos
L’espace fermé que constitue le bateau est ballotté sur les routes maritimes. La psychologie, les motivations des personnages s’y affrontent et bouleversent tout ordre. Chacun s’y révèle. Dans son introduction Xavier Dorison renvoie à l’expérience de Stanford menée par Philippe Zimbardo. « Nous voulions savoir ce que le fait de devenir prisonnier ou gardien de prison produisait au juste comme effets sur le comportement et sur le psychisme. » Expérience à la rigueur scientifique controversée. On pourrait penser aussi au triangle dramatique ou triangle de Karpman. Les rôles de persécuteur, victime ou sauveur y permutent.
Les décisions absurdes
Les contraintes imposées par l’armateur, la composition de l’équipage, tout semble mener à l’échec. Christian Morel analyse dans ses trois livres les processus qui poussent à prendre des décisions absurdes. Le Jakarta est une entreprise absurde, vouée à l’échec. Voyons comment se comportent les rats pris au piège. Certains ont quelques envolées épiques qui voisinent avec des remugles. « La mer avait l’odeur d’une vieille pute et notre navire celle d’un étrange mélange d’étrons et de vomis. »
Et ce n’est que le premier tome!