Xavier Roseren, député de Haute-Savoie.

Xavier Roseren, député de Haute-Savoie.

2 décembre 2021 Non Par Paul Rassat

C’est aux Trésoms / Annecy que notre rencontre avec Xavier Roseren a lieu. Nous sommes accueillis par Véronique Droux.

La 6° circonscription

Comment voyez-vous et exercez-vous  la fonction de député ?

Je n’aurais jamais dû être député. Je suis devenu celui de la 6° circonscription de la Haute-Savoie. Vallée de Chamonix avec Vallorcine, Chamonix, Les Houches et Servoz, tout le Pays du Mont Blanc jusqu’à Praz-sur-Arly. Les deux grandes villes sont Sallanches et Cluses. On remonte ensuite sur le Haut Giffre avec Samoëns et les stations.

Pourquoi se lancer en politique

C’est très varié : villes, stations , vallées. La conformation géographique est complexe.

Le décolletage est la grande activité de la Vallée de l’Arve. Il représente 70% du décolletage français. L’arrêt du moteur thermique pour l’automobile va poser des problèmes. À cette partie industrielle, il faut ajouter la partie touristique pour avoir une vue de ma circonscription. J’ai repris dans les années 2000 un commerce de sports aux Houches. J’ai été maire de ma commune en 2014. Le travail de la députée sortante ne me convenant pas, je me suis dit « Allons-y ! » J’ai rencontré Emmanuel Macron, j’ai été choisi et élu en 2017. Je n’ai donc pas une carrière classique en politique.

Bon sens et postures politiques

D’où sans doute une approche pragmatique. Vous vous êtes présenté parce que vous aviez quelque chose à proposer.

Je suis un vrai partisan du bon sens. J’ai découvert le monde parisien et le fonctionnement de l’Assemblée Nationale, ses lourdeurs. Lorsque j’étais maire de la commune des Houches, je subissais déjà la lourdeur des contraintes administratives. Elles sont encore plus incompréhensibles lorsque l’on vient du privé. Du point de vue d’un député, c’est pire ! Transformer la France demande une énergie incroyable parce qu’il est difficile de trouver des solutions qui conviennent à tout le monde. Les postures politiques l’emportent parfois sur le bons sens.

Savoir communiquer à bon escient

Je regarde un peu votre communication sur les réseaux sociaux. Certains élus y vont pour un simple affichage. Ils se mettent en scène à la moindre occasion. Vous semblez accorder une réelle importance à la rencontre, à la concertation, au terrain. Vous passez du problème du loup à Mont Blanc Industries, aux problèmes de la Vallée de l’Arve.

J’utilise de plus en plus les réseaux sociaux pour toucher les gens. Mais il ne faut pas sombrer dans le simple affichage. J’ai passé deux heures avec la Banque Alimentaire au Super U de Passy. Ils font un travail exceptionnel mais je n’avais pas à communiquer là-dessus. Je ne peux pas m’intéresser à tous les sujets au niveau de l’Assemblée Nationale parce qu’on ne peut pas être bon en tout. Mes sujets sont tourisme, montagne et industrie. J’ai cependant été confronté au loup. Le problème se pose. Le loup est en train de gagner alors qu’il faut trouver un équilibre avec les éleveurs. Les règles européennes le protègent tellement que nous sommes en train de détruire nos alpages.

Aider à trouver les bons équilibres

Il faut des réajustements permanents et c’est votre rôle d’y contribuer. La Vallée de l’Arve a déjà connu des mutations. On y travaille sur la filière de l’hydrogène.

La Vallée accueille des sous-traitants. Ils fabriquent des petites pièces, beaucoup pour les moteurs thermiques dont la disparition à l’horizon 2030 environ va changer totalement leurs métiers. Ils doivent se réinventer et se diversifier pour aller vers d’autres métiers. L’hydrogène va arriver mais il va y avoir une période de transition pendant laquelle ces entreprises doivent continuer à vivre. Des plans sont mis en place. Ils auraient été proposés même en l’absence de COVID. Le Gouvernement a vraiment voulu remettre l’industrie au cœur de l’économie.

Renouveler notre industrie

C’est assez récent. Il y a eu là aussi un temps de latence.

L’industrie était liée à une image polluante. On pensait que la France pourrait des passer à terme s’en passer. Or on se rend compte que nous sommes trop dépendants en matière de nouvelles technologies. Essayons au moins d’être autonomes au  niveau européen. Nous avons parlé de l’hydrogène, l’approche européenne en ce domaine est indispensable pour résister à la Chine et aux USA.

La Vallée de l’Arve

Louis Pernat et son entreprise s’en sortent parce qu’il n’est pas resté sous-traitant.

Si vous avez ce statut,  quand les grands donneurs d’ordre, Renault, Peugeot… changent de stratégie, les premiers à souffrir sont ceux qui se trouvent au bout de la chaîne. Le COVID a accentué les difficultés parce que les donneurs d’ordre ont rapatrié chez eux la fabrication de pièces. Louis Pernat et son entreprise se sont diversifiés depuis longtemps. Il n’est plus dépendant, à fabriquer la petite pièce en bout de chaîne mais le bloc qui comporte davantage d’ingénierie. Il devient indispensable  et donc moins dépendant du donneur d’ordre. La valeur ajoutée à son travail lui permet de mieux résister à la pression sur les prix.

Cibler les aides

Vous accompagnez ces transformations.

C’est un enjeu important. Pendant la période COVID, par ailleurs, nous n’avons plus eu de défaillances d’entreprises. Les aides de l’État ont été très importantes, parfois non mesurées.

On a maintenu en survie des entreprises qui auraient normalement disparu.

Ce n’est pas bon. On a injecté de l’argent public dans des entreprises qui ne sont pas viables. Il faut que nous retrouvions un taux normal de disparitions et de recréations.

Mont Blanc Industries

Est-il possible de parler de Mont Blanc Industries ?

C’était un regroupement d’entreprises qui leur permettait de se diversifier, de partir sur de nouvelles technologies ou d’acquérir un savoir faire. La Région avait demandé à Mont Blanc Industries, de dimension trop petite, de se regrouper avec  Viameca situé vers Saint-Étienne pour créer le pôle de compétitivité appelé CIMES. Le mariage n’a pas fonctionné. Mont Blanc Industries s’est retrouvé seul, sans plus d’aide de la Région-peut-être pour des raisons politiques, ce qui est dommage-. On est en train de laisser mourir une association qui faisait bien son travail et comptait environ 400 entreprises. Cette association était géniale. Elle s’arrête parce qu’il manque 200 000 euros de subventions publiques. C’est du gâchis.

Réussir une bonne pâte feuilletée

Il y a Paris, la Région, la circonscription, le département, comment naviguer entre ces différents niveaux ?

Pour qu’une politique fonctionne, il faut de la cohérence à tous les niveaux. La commune, l’agglo ou l’interco, le département et l’État doivent s’aligner sur une politique commune.

Vous êtes encore révolté !

C’est frustrant mais passionnant !

Le vrai rôle des politiques

Le territoire se caractérise par son polycentrisme, par la variété des activités. Comment concilier l’ensemble ?

Les politiques ne sont pas là pour s’immiscer dans l’économie ou dans l’industrie mais pour faciliter le développement. Il faut laisser le privé s’organiser. Il faut des règles, en matière de déplacements et autres. Une fois qu’elles sont là, c’est au privé de s’organiser dans le respect des règles, sans compliquer les choses.

Encore le bon sens

On revient à la notion de bon sens.

Comme maire, j’ai vu des gens obligés de décaler une fenêtre entre le plan et la construction de leur chalet. On les embêtait parce que la façade n’était pas conforme ! Et on pinaillait pour une construction sans permis. Il faut faire la part des choses.

Avoir une véritable vision d’ensemble

Quelle vision avez-vous pour le  territoire ?

Je n’oppose pas tourisme et environnement. On peut continuer à accueillir des gens dans nos stations, à rénover les remontées mécaniques, à faire du ski. Aux Houches, 3000 habitants, on a une crèche, des transports en commun gratuits, de vrais services publics à l’année. Mes prédécesseurs et moi-même avons réussi cette organisation parce que notre station touristique accueille une certaine richesse du territoire. C’est un équilibre à trouver. C’est possible. J’étais avec les Guides de Chamonix qui fêtaient leurs 200 ans cette année. Leur métier a changé à cause du changement climatique. Ils ont su s’adapter. 10 % environ des accès en montagne ne sont plus praticables depuis 30 ans. Il faut jouer sur les activités d’été et celles d’hiver.