Obsolescence de l’homme
5 avril 2023L’obsolescence de l’homme 1956 Günther Anders
En exergue
« « Les condamnés à mort peuvent librement choisir s’ils veulent, pour leur dernier repas, que les haricots leur soient servis sucrés ou salés. » Extrait d’un article paru dans la presse. »
Extraits du livre
Les citation qui suivent, pour la plupart, introduisent chaque paragraphe. Notons que le livre a été publié en 1956. Il est amusant d’estimer le chemin parcouru depuis, de trouver des exemples contemporains bien concrets de ce qu’avance Günther Anders et d’analyser notre comportement. Même si nous prétendons à une forme d’indépendance de la pensée.
Homo faber
« Nous avons fabriqué nous-mêmes ces instruments. Il est donc naturel et légitime que nous en soyons fiers. Avancer que l’homo faber puisse rougir de ce qu’il a fabriqué, que le producteur puisse rougir de ses produits est absurde. » Peut-être y aura-t-il un jour, après l’homme qui fabrique, l’homme qui pense.
« … le sujet de la liberté et celui de la soumission sont intervertis : les choses sont libres, c’est l’homme qui ne l’est pas. » Mondialisation ? « La consommation de masse, aujourd’hui, est une activité solitaire. Chaque consommateur est un travailleur à domicile non rémunéré qui contribue à la production de l’homme de masse. » La consommation masturbatoire ?
Inversion
« La radio et l’écran de télévision deviennent la négation de la table familiale ; la famille devient un public en miniature. »
« En nous retirant la parole, les postes de radio et de télévision nous traitent comme des enfants et des serfs. »
« Les événements viennent à nous, nous n’allons pas à eux. »
« Puisqu’on nous fournit le monde, nous n’avons pas à en faire l’expérience ; nous restons inexpérimentés. »
« La « familiarisation » est une forme raffinée de camouflage de la distanciation. » Anders ne savait pas encore que le public participerait activement à cette infantilisation. On lui dit quand « faire du bruit. » Et puis, inexpérimentés, nous ne pouvons plus partager d’expérience mais nous partageons des émotions…qui deviennent des expériences.
Le réel vidé de vie
« Le rapport entre l’homme et le monde devient unilatéral. Le monde, ni présent ni absent, devient un fantôme. »
« À la télévision, l’image et ce qu’elle représente sont synchrones. La synchronie est la forme appauvrie du présent. »
« …L’homme dispersé n’habite que dans l’instant…L’individu devient un « dividu. » »
« Tout ce qui est réel devient fantomatique, tout ce qui est fictif devient réel. Les grands-mères abusées tricotent pour des fantômes et sont transformées en idolâtres par la télévision. » Le présent se réduit à ce que l’on nous présente, souvent en différé.
Soumission
« Les émissions effacent la différence entre la nouvelle et son objet. Elles sont des jugements apprêtés. »
« Apprends à avoir besoin de ce qui t’est offert. Car les offres de la marchandise sont les commandements d’aujourd’hui. »
« Les fantômes ne sont pas seulement des matrices de l’expérience du monde ; ils sont aussi des matrices du monde lui-même. Le réel comme reproduction de ses reproductions. »
« Mentir devient superflu quand le mensonge est devenu vrai. »
« Résistance tragi-comique : l’homme contemporain se crée des difficultés artificielles comme objets de jouissance. » La reproduction de la reproduction produite par la production industrielle submerge toute relation à une réalité quelconque.