S’émerveiller, émerveillement
14 mai 2023« Faire l’expérience de la merveille, s’émerveiller, diathèse réfléchie selon la linguistique.
Mais aussi susciter la merveille, émerveiller celui qui est à nos côtés, diathèse active.
Le mot vient du latin mirabilia, les « choses extraordinaires, surprenantes… Il suffit de regarder autour de nous. Et de trouver les mots qui provoquent cette stupeur soudaine, comme un court-circuit, de regard en regard …il ne faut pas de nez rouge de clown pour émerveiller, ni de ridicules cabrioles de jongleur : il faut « celui qui excelle », qui sait déclencher chez l’autre la lumière de la surprise. » Et Andrea Marcolongo, dans Étymologies pour survivre au chaos de citer G.K. Chesterton :
« Le monde ne manquera jamais [ de merveilles ni d’aventures] ;
C’est seulement d’émerveillement qu’il pourrait manquer. ( in Petites choses formidables). »
Excellence
On donne souvent à ce mot excellence les connotations de perfection et de supériorité. Approche technique, hiérarchique souvent liée, dans notre société, à la compétition sociale, économique. L’excellence y est rabaissée au rang d’outil. Le sens que lui attribue Andrea Marcolongo est beaucoup plus dynamique et profond. C’est l’excellence qui émerveille. Elle est du domaine des hapax, ces mots à occurrence unique, néologismes qui réunissent le sens, le mot, l’émotion, le court-circuit poétique.
Conclusion élaguée du livre de Michael Edwards De l’émerveillement
Un perpétuel recommencent
« S’émerveiller nous donne l’impression, finalement, de commencer. La notion du passé disparaît, et la merveille, que ce soit une montagne que la brume dévoile ou un réverbère dans une rue de Paris, est soudain présente, dans le champ d’une conscience qui naît, ou qui renaît, en s’émerveillant…La réponse à la question : où commencer ? est tout simplement : ici, maintenant, en s’émerveillant.
Échapper à la tautologie qui enferme
Il est vrai que l’émerveillement ne se commande pas. Il survient — la surprise, l’étonnement, y participent toujours — ou il ne survient pas. On peut le considérer comme un don, car on le reçoit très naturellement ainsi. Mais il existe une disposition à l’émerveillement, une ouverture d’esprit, une réceptivité de l’être, que l’on peut vouloir et qui est précieuse…Elle protège d’un contraire de l’émerveillement encore plus ravageur que l’ennui, l’état d’esprit qui suppose que, si l’on décrit un objet de manière satisfaisante dans une certaine perspective, il n’y a plus rien à en dire : que le cerveau, par exemple, qui est une masse nerveuse, n’est qu’une masse nerveuse.
Un autre chemin , un ailleurs ici ?
L’émerveillement, c’est aussi, à ce stade liminaire, le pressentiment d’autre chose, la conviction d’un possible à réaliser, dans le moi et dans tout ce qu’il observe. Ne voyons-nous pas tout à coup, devant quelque chose de sublime ou de quotidien, de poétique ou de banal, que le monde tel que nous l’avons construit afin de le promener dans notre conscience de jour en jour est inadéquat, et qu’il existe, surtout, une autre façon de vivre ? Voilà, me semble-t-il la finalité, le pour quoi, de l’émerveillement : révéler ce que pourrait être le monde si nous le vivions à une autre profondeur…
Accepter l’inconnaissance
Sur ces hauteurs, il convient peut-être de ne plus parler de connaissance par l’émerveillement, mais d’inconnaissance, de la conviction qu’il y a là quelque chose, mais que nous ne le saisissons pas. Si le connaître, c’est entrer en rapport au niveau de l’être avec ce vers quoi nous tendons, l’ inconnaître serait accepter notre ignorance de ce qui nous dépasse et qui scintille au loin, avec la résolution de nous laisser attirer. Nous apercevons un autre seuil, qu’il serait bon de franchir…Il est tout à fait d’un homme de reconnaître… « the mystery of fact », le mystère des faits. »