« La cuisine des vendanges »
13 juillet 2022Rencontre avec Christiane Leesker qui dédicaçait La cuisine des vendanges à Cluny, librairie « Le jardin secret ».
Les vendanges d’autrefois
La cuisine des vendanges, recettes des familles vigneronnes en Bourgogne et Beaujolais. Votre titre situe géographiquement, dans le temps des vendanges. Aujourd’hui on parle d’autant plus d’authenticité qu’il y en a moins en réalité. Vous évoquez de la vraie de vraie.
C’est ça. Je suis Allemande. J’ai commencé à faire les vendanges dans le Beaujolais à l’âge de dix-huit ans. C’était un boulot pour gagner de l’argent mais la famille où j’étais m’a tellement bien accueillie ! On mangeait tellement bien ! J’y suis retournée tous les ans, comme toute l’équipe.
La tradition se perd
C’est la même chose aujourd’hui ?
Plus du tout. Les choses avaient déjà changé en 2011, quand on a commencé à faire le livre. Les vignerons faisaient appel à des traiteurs au lieu de cuisiner eux-mêmes. Ils logeaient de moins en moins les vendangeurs. La récolte à la main se pratique moins. Elle est encore obligatoire en grande partie dans le Beaujolais mais pas dans le Mâconnais, je crois.
Vous n’aviez pas la même chose en Allemagne ?
Je ne suis pas originaire d’une région viticole. C’est plutôt la bière dans le nord de l’Allemagne. Et puis mes premiers voyages à l’étranger et en famille se faisaient en France.
Écrire pour retrouver le temps passé et partagé
Alors écrire ce livre noue une relation avec le temps, avec votre enfance.
C’est mon histoire. Je suis graphiste et l’évolution de ma carrière m’a donné la possibilité de développer un projet personnel.
On vous voit sur cette photo ?
Oui, et le patron, André Poitevin. Quand je suis repassée pour le livre cela faisait vingt-cinq ans que j’y avais fait les vendanges. Chez lui, ça se passait encore comme autrefois. La même cuisinière, le même porteur de hotte, la même ambiance. Deux ans plus tard, ça avait complètement changé.
Une cuisine à partager
Pour revenir à la cuisine, il y avait la convivialité que nous avons évoquée et la qualité des produits, je pense.
Oui, bien sûr. Et puis on entend beaucoup dire que la réputation du Beaujolais a beaucoup souffert du Beaujolais Nouveau. On en oublie qu’il y a de très bons vins dans le Beaujolais. La cuisine des vendanges est très traditionnelle, faite de plats mijotés au coin du feu en attendant les vendangeurs. Au début de chaque chapitre je raconte, je mets en situation. Les produits venaient du lieu, du potager. On élevait encore les lapins sur place.
C’est une cuisine roborative.
Copieuse. De grands plats à partager.
Un trésor disparu
Vous êtes nostalgique ?
Oui très grand rire, franc !). J’avoue.
Vous avez écrit ce livre pour vous !
Je voulais partager. J’ai quand même adapté les recettes pour quatre personnes. Ce n’était pas toujours évident à partir de plats conçus parfois pour une trentaine de personnes. Mon plat préféré est le bœuf bourguignon. Comme dessert, le gâteau de semoule. Il y a aussi les gougères. Mais je reviens à votre remarque. Certains ont été surpris qu’une Allemande s’intéresse à un sujet tellement français. En réalité ici personne ne se rendait compte qu’un trésor était en train de disparaître. On s’en rend compte quand c’est fini.
[ La photo de couverture du livre fait penser aux travaux de Raymond Depardon sur le monde paysan. Elle a été prise chez Dominique Cornin, à Chaintré]