La joie et rien d’autre

La joie et rien d’autre

6 octobre 2023 Non Par Paul Rassat

Exposition collective, La joie et rien d’autre,du 7 octobre au 17 novembre, Galerie Guillaume, Paris. Commissariat Paul Ardenne.

Une exigence joyeuse qui rappelle La vie et rien d’autre de Bertrand Tavernier, cet amour de la vie par-delà ses vicissitudes les plus profondes. C’est avec Camille Sabatier que nous plongeons dans cette exposition.

Faire la bombe

 Camille, vous exposez«  Bombes-les-saut-rieuses », d’où vient cette appellation ?

C’est au départ le saut dans l’eau, dans la rivière, dans la mer. Cette bombe que l’on fait avec son corps. J’ai repris une première sculpture réalisée en 2014 en montrant les sensations que l’on peut avoir lors du plongeon, avec les jambes qui dégoulinent, se déforment. Il y a bien sûr les bombes qui évoquent la guerre. J’établis une relation polysémique pour me déplacer chaque fois dans quelque chose de positif, de joyeux. J’essaye le plus souvent de décaler grâce à des jeux de mots.

Prolongeons la polysémie jusqu’à la bombe sexuelle, en passant par l’expression « faire la bombe », faire la fête.

J’écris beaucoup et les mots me servent effectivement à décaler mon travail. La sculpture se réalise ensuite en relation avec les sens divers inscrits dans ma pensée.

Une explosion qui secoue le regard

La bombe / plongeon renvoie à l’enfance, elle fait exploser la surface de l’eau et fait ensuite exploser une réalité trop figée.

Comme un rire qui explose. Comment ouvrir le feu autrement. Comment ouvrir une bouche qui se mettrait…Ce qui m’intéresse vraiment dans l’art est de déplacer, de voir les choses autrement.

Vous parlez de « déplacer », vos sculptures sont-elles des autoportraits ?

Il y en a dans tout ce qu’on fait ! On part toujours de soi. Et on est en lien avec tout le monde, d’où cet aller / retour entre ce que l’on a envie que le monde devienne et nos sentiments.

Oxymore

Le thème de cette exposition collective est le bonheur. Pour certains artistes le bonheur semble lourd à obtenir : il faut s’alléger du poids de la vie. Ce n’est pas l’impression que donne votre travail, il est plus joyeux.

Je suis assez d’accord ; mais dès que l’on réalise un visage qui sourit, la grimace n’est pas loin. Il y a cette ambiguïté. On ne sait pas trop. Ça dépend comment on regarde et les interprétations sont différentes suivant les personnes.

Parce qu’il y a, dès le départ, cette complexité dans votre travail. Celle-ci nous renvoie à ce que Michael Edwards appelle « l’oxymore existentiel ». La question n’est pas « Être ou ne pas être » mais « Être et ne pas être ».

J’ai fait en 2020 une sculpture que j’ai appelée «  To be or not to be ». Une tête souriante à l’endroit, une tête souriante à l’envers, comme une cacahuète. Peanuts.

On rejoint le thème du carnaval et Mickaïl Bakthine. Le monde inversé, le débordement, la joie…

L’agalma

La psychanalyse ? Je m’y intéresse parce qu’elle parle du désir. Lacan est parti, entre autre, du petit a , de l’agalma.

Votre céramique murale qui le représente ressemble à un grand portrait.

C’est un grand sourire. Pour ce grand U, j’étais parti des lignes, du dessin de deux mains qui tirent un fil, chacune de son côté. Et le fil se détend, devient un peu une corde à sauter qui évoque les jeux de l’enfance et prend la forme d’un sourire. D’un sourire puisqu’elle se détend.

Suit un échange de lectures sur le rire, dont le livre d’Yves Cusset.

Comme un poisson dans l’eau

À voir votre travail, on peut penser à l’épicurisme.

À une forme de laisser aller, ça va couler, il faut laisser le poisson passer dans l’eau.

L’eau qui serait ce fond commun où se retrouvent nos émotions, joies et peurs, vécues et partagées par tous mais que l’artiste exprime à sa façon.

Les artistes touchent à quelque chose d’universel qui me touche au plus profond, fait sens, détend des cordes, ouvre des cadres dans lesquelles les choses resteraient figées. Ce que j’aime bien chez Lacan, c’est qu’il est très proche de la philosophie et du mouvement surréaliste. Il était un artiste, en fait !

Jusqu’à faire des vagues…

Le parallèle peut se faire avec vos plongeuses qui jouent, voient jusqu’où elles peuvent aller. Et à fixer votre Ugalma, on y voit même des vagues.

Différentes choses, oui.

Différentes choses qui mènent à des impressions de lectures, à un saut, une « bombe »comme  ce que devrait être toute conversation : vivante, sans cadre fixe, un plongeon qui arrose l’intelligence de ses gouttelettes. Si le bonheur y trouve son compte, c’est encore mieux.

Autour de la joie

Prof — La joie n’est pas le bonheur. Elle vient du latin gaudere qui a donné godemichet. Réjouis-moi.

Simplet — Y’a d’la joie. Bonjour, bonjour les haridelles, y’a d’la joie, partout y’a d’la joie.

Dormeur — La joie d’un bon sommeil, rien de tel !

Grincheux — La dette, le réchauffement, et vous me parlez de joie !

Atchoum — De la joatchoum ! J’en mets partout !

Joyeux — «  Que ma joie demeure ! »

Timide — La joie ? On a le droit ? C’est pas taxé ?

Blanche Neige — Un cadeau ? Un canard pour mon bain, quelle drôle d’idée les 7 nains !