Vendanges au Château de Menthon-Saint-Bernard
24 octobre 2020Renaud, nous sommes au pied du Château de-Menthon-Saint-Bernard, ce 21 septembre 2020 pour un jour un peu particulier.
L’association Clos du Château
Ce sont nos premières vendanges aujourd’hui. Nous avons créé il y a trois ans une association avec les nouveaux propriétaires du château, Maurice et Pierre-Henri de Menthon, qui ont décidé d’ouvrir le domaine à tout le monde, à toute la population. Ensemble nous avons mis en place une association qui leur permet de remettre de la vigne au pied du château comme il y en avait il y a cent ans. Elles ont toutes disparu, principalement à cause du phylloxéra.
Autrefois il y avait des vignes non seulement au pied du château mais d’Annecy à Talloires. Notre association, Clos du Château, comptait 24 membres au départ. Nous avons repris le nom que portaient les étiquettes du dernier vin produit au château.
Un vigneron professionnel s’occupe des vignes ; notre but est de l’aider physiquement sur le terrain en défrichant, en nettoyant. Nous intervenons aussi financièrement dans la mesure de nos moyens, principalement pour la préparation des terrains.
D’autres adhérents, les amis du Clos du Château, nous ont très vite rejoints si bien que nous nous retrouvions au bout d’un an et demi à plus de 400 personnes. Parmi celles-ci, tous les gens de Menthon sont intéressés parce qu’ils redécouvrent le château dont l’accès était barré par une barrière végétale infranchissable de ronces, d’orties, d’acacias… que nous avons enlevée. Il était impossible de monter du village au château.
Les cultures jouent un rôle important dans l’aménagement du territoire et des paysages.
Je suis très impliqué dans la sauvegarde du patrimoine. C’est un cas particulier ici puisqu’on remet en place un patrimoine qui avait disparu. C’est la même démarche que pour Espérance III avec laquelle nous faisons ressortir de l’eau un patrimoine.
Et donc, le patrimoine nous permet de passer de l’eau au vin. (rires)
De manière logique puisque le vin était transporté sur des barques.
Cette première vendange depuis un siècle est un jour exceptionnel.
Exceptionnel, je ne sais pas, mais un jour chargé d’émotion, oui. Même si on peut parler de vendangette parce que c’est seulement la 3° feuille, la 3° année d’existence de cette vigne. Nous avons eu aussi ces derniers jours une attaque de guêpes qui n’arrange pas l’affaire.
Il faut démarrer un jour, c’est fait !
Notre viticulteur, Florent Héritier, travaille en biodynamie, comme sur ses deux hectares et demi à Frangy. Le vignoble va d’ailleurs être plus grand à Menthon qu’à Frangy.
Pendant que nous discutons de nouveaux espaces destinés à la vigne sont défrichés.
Les vignobles du lac d’Annecy
Nous faisons en ce moment une demande de classement en IGP pour tous les vignobles du tour du lac d’Annecy dont la majorité sont en réaménagement. Nous serions ainsi rattachés aux vins « de pays d’Allobrogie ». Toute la production des rives du lac sera constituée de vins bio.
L’association Vignes du Lac nous avait précédés à Veyrier. Ils doivent en être à leur 3° récolte cette année. D’autres se sont réinstallés à Villaz, où un lieu se nomme Sur les Vignes ! Projet en cours à Talloires. Doussard, Annecy-le-Vieux, Sevrier… possédaient des vignes.
Comme avec Espérance III, ces projets font revivre le passé mais ils ne sont pas conservateurs. Ils s’ouvrent à une découverte, à un partage.
Espérance ou autres, s’adaptent aux techniques actuelles. La culture de la vigne est beaucoup moins empirique qu’il y a cent ans.
Le vin produit sera destiné à la vente ?
À un partage lors d’événements ?
Le viticulteur est propriétaire de sa récolte. Il loue les terrains aux propriétaires du château, il travaille les vignes, il récolte, il est propriétaire de son vin. Les adhérents de l’association boivent ce vin, avec modération, lors des réunions mais il n’y a pas de redistribution au sein de l’association dont les adhérents sont bénévoles. Ils bénéficient simplement d’une remise. Le château, lui, propose à la vente le vin produit lors de réceptions.
Tradition, cépages et approche moderne
Nous avons hâte de voir ce que va donner cette première cuvée parce que les vins de Florent sont assez exceptionnels. (Confirmation : le vin blanc servi lors de la traditionnelle pause entre vendangeur-se-s avec saucisson et fromage est bien vivant, il a une personnalité marquée mais garde un côté fruité, « spirituel »). Nous allons pouvoir comparer ce qu’il fait à Frangy et au château avec le même cépage, par exemple l’altesse.
La première tranche que nous avons plantée en 2018 fait 1,2 hectare d’altesse, de viognier, de mondeuse, de gamaret, des cépages locaux. Nous avons planté cette année encore 1,2 hectare en Mondeuse blanche, Jacquère. Nous ajouterons un hectare soit cet automne soit au printemps prochain avec de nouveaux cépages (Douce Noire, Gringet).
Vous en êtes au stade des essais. Un ou deux cépages vont l’emporter sur les autres ?
Il y aura principalement de l’altesse. Au tout début de notre implantation, nous avons fait venir l’école d’œnologie suisse de Changins. Pour leur sujet de thèse, les étudiants de dernière année ont étudié la topologie, la structure du terrain, la ventologie, la pluviosité et nous ont conseillé « là, de l’altesse, ici du viognier… »
Autrefois, il y avait de l’altesse, qui est plus connue sous le nom de roussette parce que la Révolution s’est mal accommodée de l’altesse. Dorian, qui est le responsable du château, effectue beaucoup d’études dans les archives, ce qui nous donne une idée de ce qui se faisait, de la production. Les vins contenaient nettement moins d’alcool qu’aujourd’hui. Ils étaient très légers bienvenus parce que l’eau du lac n’était pas vraiment potable (rires). On peut d’ailleurs imaginer d’ici quelque temps une dégustation des vins du lac d’Annecy transportés sur l’Espérance III.
La Fondation du Patrimoine
Tes activités s’inscrivent dans le cadre de la conservation du patrimoine, sur plusieurs registres, Espérance III, ce vignoble.
La Fondation du Patrimoine s’implique aussi bien auprès des particuliers, avec le Label, pour restaurer une maison, par exemple, qui revêt un intérêt architectural, patrimonial ; elle aide aussi en matière de biens collectifs, communaux, associatifs et autres par le biais de souscriptions. C’est ce qui a été réalisé pour Espérance III, un mécénat populaire.
Tu es aussi bien à l’impulsion de projets qu’un relais entre les gens, les lieux.
J’ai du mal à initier un projet et à le laisser ensuite au bord de la route, surtout quand il comporte cette dimension conviviale qui préside aux vendanges d’aujourd’hui.