Le théâtre

Le théâtre

2 janvier 2024 Non Par Paul Rassat

La revue Passerelles de septembre 1992 consacrait quelques pages marquantes à «  l’installation à Chambéry et Annecy du Centre Dramatique National… » Gabriel Monnet , créateur des Nuits théâtrales du château d’Annecy en 1954, souhaitait bon vent  à ce Centre de Théâtre et de création. Voici le texte qu’il avait écrit alors. On notera cependant que la création et la gestion ne font pas bon ménage.  Trop atypique, ce Centre Dramatique ne survécut pas à la mise aux normes des scènes nationales. La pseudo raison des gestionnaires l’emporte le plus souvent sur l’enthousisasme des créateurs. La mise aux normes se poursuit avec la chronique d’une mort annoncée du festival du cinéma italien d’Annecy. Trop atypique ce festival tellement ancré dans la culture et l’Histoire de la ville, du territoire !

Standardisation originale

On notera que l’actuelle ministre de la culture souhaite rentabiliser la création. Les coproductions devraient permettre de faire tourner les spectacles de scène nationale en scène nationale pour le plus grand profit de la culture standardisée.

Sur un nuage

   Gabriel Monnet

D’abord un salut de toutes mes tendresses à la ville admirable, à son visage rêvé, offert aux métamorphoses.

Oui, je parle d’Annecy comme d’une personne. Nulle part je n’ai vu les nuits et les jours émouvoir, comme ici, jusqu’aux pierres.

C’était hier. L’âme même du théâtre, pour moi, s’est emparée des rues, du lac et de ses rivages, les a irisés des infinies nuances de l’intelligence et de la passion de vivre. La faute à Rousseau ? peut-être…et à tant d’autres ! Aux inégalables jeux d’orgue de la nature et de la mémoire, à l’inespéré des rencontres humaines, ce vrai miracle qui tient en un mot la présence.

Ne me demandez pas pourquoi j’ai quitté tout cela. Je vous répondrai comme dans les histoires d’amour : par impatience, excès de l’attente, jeunesse, querelles de riens, absurdité, coups de tête-On dit qu’on part et qu’on ne se retournera pas…on se retourne ! Les bons regards sont toujours là. Même les en-allés. Même les morts. Des enfants sont nés, ont grandi. Le rideau n’a cessé de se baisser et de se relever sur la seule réalité qui change.

Aujourd’hui j’apprends qu’Alain Françon va diriger un « Centre Dramatique Nationale » dont Annecy partagera la garde…près de cinquante ans après le premier passage en tournée, du « Centre » fondateur de Jean Dasté !

Je dirais plutôt qu’Alain Françon, en qui j’aime le courage, la densité du travail et du talent, est devenu «  quelqu’un », de la poignée des meilleurs, et qu’il revient à son point de départ-et de rupture-ce « Théâtre Éclaté »qui n’a jamais mieux signifié un destin.

Comment ne serais-je pas fraternellement ému par ce retour ? Sachant, de plus, qu’il va créer pour sa première saison «  La Compagnie des Hommes »-beau titre d’Edward Bond, auteur anglais qui me valut naguère un choc mémorable avec un certain maire de Nice- et «  La Remise », étonnante première pièce de Roger Planchon inspirée du cher vieux pays ardéchois. J’entends un ancien jeune homme qui a rêvé sur un nuage de revenir comme lui, vous crier : «  Veillez sur lui ! ne le lâchez plus ! ».

L’art qui nous hante est devenu plus exigeant, nécessaire, fragile, que jamais.

Tandis que l’Histoire devient pire que dans Shakespeare : «  un théâtre plein de bruit et de fureur » dont la communication médiatique épaissit l’indéchiffrable, tandis que les « machines de rêves » nous bombardent d’images à décerveler des troupeaux, des hommes et des femmes vont s’employer, dans le silence retrouvé-l’un des derniers lieux où s’entende encore le silence-à raviver entre eux le regard, le geste et la parole, à ressaisir, explorer, imaginer des représentations du monde, pour nous les donner à penser, à pleurer ou à rire, et nous aider, même fugitivement à ne plus être, comme le refusait Baudelaire : « les esclaves martyrisés du temps ». Cela aussi s’appelle le théâtre.

Confiance !

Douze années plus tard

Répondre

Le responsable est celui qui répond. Il se porte garant. De quoi? On ne sait pas très bien, mais il est capable de répondre et c’est bien là l’essentiel. Cette situation pourrait rappeler cette petite annonce de Pierre Dac : « Idiot cherche village ».